Avec la récente mise en place de la réforme du système électoral, le Chili attend d’ici quelques jours le premier tour des élections présidentielles. L’évolution des pourcentages issus des sondages, le récent débat entre les candidats à la présidence, et l’importante tendance abstentionniste de la population, permet d’éclaircir le futur paysage possible de la vie politique chilienne.
Photo : Publimetro
Pourrait-on parler d’un retour de la droite ? D’une perte des forces de la coalition de gauche ? D’un renouvellement de la scène politique ou bien d’un phénomène d’alternance entre la gauche et la droite qui se maintient depuis 2006 ? Les prochaines élections du 19 novembre représentent aussi un renouvellement de la chambre des députés et de la moitié du Sénat. Le nouveau système électoral à la proportionnelle vise à renforcer le Congrès, tout en augmentant le nombre des parlementaires, la participation féminine, la diminution des barrières pour les candidats indépendants comme pour la création des partis politiques.
Après une interruption de dix-sept ans de dictature militaire incarnée par Pinochet, c’est en 1990 que le Chili retrouve une vie démocratique. Dès l’arrivée de la démocratie, la droite a gouverné pendant une seule période, celle de Sebastián Piñera entre 2010 et 2014. L’actuelle présidente Michelle Bachelet avait occupé le mandat précédent (2006-2010) et celui d’après aussi, c’est à dire, le mandat actuel au Chili qui a débuté en 2014. Jusqu’à aujourd’hui, l’ancien président Piñera est le candidat le plus probable à remporter les élections, soutenu par la coalition politique entre le parti Chile Vamos et Amplitud. Le candidat poursuit sa campagne pour être réélu malgré son passé scandaleux impliquant plus d’une dizaine de cas de corruption. Il pourrait remporter 45 % des voix selon la dernière étude électorale de la CADEM, une plate-forme de l’opinion publique chilienne.
Piñera, le plus fort candidat de la droite, devra affronter le plus fort candidat de la gauche : Alejandro Guillier, sénateur d’Antofagasta, sociologue, journaliste professionnel et figure majeure de la crédibilité à la télévision dans les années 1990 et 2000. Il s’est lancé comme candidat indépendant et a reçu le soutien de plusieurs partis politiques tels que le PC, le PS et d’autres partis proches de la gauche. Il affirme sa volonté de continuer avec la ligne politique déjà établie par la présidente Bachelet dans le domaine de l’éducation, et de poursuivre dans la voie pour une nouvelle constitution. Lors d’une conférence, le candidat a récemment présenté son programme politique, divisé en trois axes : une croissance inclusive, une participation majeure de la citoyenneté et une réelle décentralisation du pouvoir. Alejandro Guillier se positionne comme le deuxième candidat favori puisque, selon les derniers sondages, il pourrait remporter 23 % des voix.
La troisième favorite représente la plus grande coalition de gauche récemment constituée au mois de janvier dernier, formée de onze partis, mouvements et organisations sociales : Frente Amplio, avec à sa tête l’ancienne journaliste Beatriz Sánchez. Cette coalition se place en opposition à l’actuel gouvernement, en affirmant de manière critique que l’agenda réformateur présenté en 2014 n’a pas été respecté au cours du mandat de Bachelet. En neuf mois d’existence, cette coalition a déjà souffert d’une série de ruptures internes avec des affrontements entre les dirigeants qui la composent ; ce qui a suscité des interrogations sur le maintien de cette coalition après les élections. Même si Beatriz Sánchez représente une grande coalition entre différents organismes, les derniers sondages montrent que sa campagne a perdu la force qu’elle avait à ses débuts, et peut-être que les électeurs ne sont pas prêts pour soutenir ce nouveau type de force politique composée de plus d’une dizaine d’organismes. Selon les derniers sondages, la candidate pourrait remporter autour de 6 % des voix.
Peut-on parler d’un retour de la droite ? La présence de plusieurs candidats et groupes de gauche en lice donne à la droite une union plus forte autour du candidat Sebastián Piñeda. Selon la dernière enquête du CEP (Centre d’Études Publiques du Chili), 60 % des Chiliens consultés croient en la victoire du candidat de droite, avec un possible deuxième tour face au candidat de centre-gauche, Alejandro Guillier. Même si tous ces pourcentages sont issus de sondages plus ou moins fiables, il faut tenir compte du fait qu’ils se fondent sur l’opinion aléatoire de 1500 à 3000 citoyens, au sein d’un pays de 18 millions d’habitants ; ce qui rend les pourcentages moins exacts, mais ce sont toujours des chiffres approximatifs qui construisent un probable paysage politique. D’un autre côté, il faut prendre en compte la dimension abstentionniste au Chili, même si c’est un phénomène tendanciel dans plusieurs pays du monde. Mais si on examine les dernières élections présidentielles, le Chili est le pays avec le taux de participation le plus bas, selon l’étude de l’Institut International pour la Démocratie et l’Assistance Électorale (IDEA). Pendant les élections présidentielles de 2013, Michelle Bachelet est sortie vainqueur avec un taux d’abstention de 58 % et, pour les dernières élections municipales, ce taux a atteint 65 %. Selon les analystes, ce passage à 58 % ou 65% s’explique par la réforme électorale de 2010 qui a transformé le système de vote obligatoire en un vote facultatif.
Les huit candidats se sont présentés ce lundi 4 novembre sur une chaîne télévisée pour un dernier débat avant les élections. Sebastián Piñera a annoncé son plan politique visant à transformer le Chili en une nation développée en moins de huit ans. De son côté, Guillier a affirmé vouloir poursuivre les réformes établies par Bachelet et combattre le trafic de stupéfiants. Ce dernier objectif a été partagé par tous les candidats, ce qui en a fait le sujet clé de ce débat : tous les candidats ont promis une amélioration du corps policier pour combattre les trafiquants.
Karla Daniela Rodríguez