Depuis 2016, une vingtaine de diplomates US en place à Cuba, victimes de mystérieux problèmes acoustiques, ont dû être rapatriés. Les enquêteurs n’ont rien trouvé qui puisse être à l’origine de ces « attaques ». Soupçons de manoeuvres destinées à bloquer le rapprochement entre les deux pays.
Photo : Ambassade des USA à La Havane
Le 29 septembre 2017, le secrétaire d’État Rex Tillerson annonce que les États-Unis (EU) retirent plus de la moitié du personnel de leur ambassade à Cuba parce qu’il aurait « subi des attaques acoustiques qui ont affecté leur santé ». Quelques jours plus tard, le gouvernement US expulse quinze fonctionnaires cubains en fonction aux États-Unis « parce que, bien que Cuba ne soit pas accusée d’être à l’origine de ces attaques, Cuba n’a pas pu protéger les diplomates US contre ces attaques acoustiques ».
Même le FBI n’a rien trouvé
Pourtant, les enquêtes menées par le gouvernement cubain n’ont rien trouvé qui puisse ainsi affecter les diplomates US. Cuba a même invité le FBI à enquêter sur place à trois reprises, il n’a rien trouvé non plus. Le gouvernement cubain accuse les EU « de lui interdire de parler aux personnes affectées, de discuter avec les enquêteurs et les médecins US » et de bloquer l’enquête.
Étranges réactions des États-Unis
Le site de l’ambassade des États-Unis à Cuba annonce que bien que « nous ne puissions pas identifier la source de ces attaques, nous croyons que les citoyens US sont aussi en danger et leur recommandons de ne pas voyager à Cuba ». Cette « maladie » des diplomates est d’autant plus étrange qu’elle n’a en rien affecté les 500 000 touristes US ni les deux millions de visiteurs de toutes origines. Encore plus étrange est que l’expulsion des quinze diplomates cubains a été décidée pour « assurer l’équité de nos opérations diplomatiques respectives » (« This order will ensure equity in our respective diplomatic operations ») ! (1) Ainsi, les EU décident unilatéralement de retirer 24 de leurs diplomates puis imposent une soi-disant « équité » dans le nombre des diplomates de l’autre partie ! Étranges mœurs diplomatiques en vérité…
Réaction indignée de Cuba
Cuba avait protesté et rétorqué que « le président Donald Trump était mal conseillé », puis déclaré « inacceptable » l’expulsion de ses 15 diplomates car « non fondée, précipitée, inappropriée et insensée … C’est une décision absolument politique qui ne bénéficie qu’à ceux qui veulent voir dérailler la possibilité que les relations entre les deux pays continuent à avancer… ». De fait, la délivrance de visa pour les Cubains qui souhaitent visiter les États-Unis est complètement paralysée et le gouvernement Trump recommande aux ressortissants US de ne plus se rendre sur l’île. Plusieurs analystes estiment que le lobby anti-Cuba travaille au sabotage de l’ouverture des relations entre Cuba et les États-Unis, un retour à la guerre froide ?
Trump influencé par le lobby anti-Cuba
Le vote des anti-Cuba de Miami est très important pour le Parti Républicain en général et pour le président Donald Trump en particulier. Aussi lorsque les congressistes cubano-américains Marco Rubio et Mario Diaz-Balart parlent, Trump les écoute. Ces deux parlementaires proposent de couper toute relation avec Cuba et d’interdire le tourisme US vers l’île. Les compagnies aériennes et de navigation étasuniennes qui font déjà de juteux profits suite à l’autorisation du Secrétariat au Trésor du président Barack Obama d’inclure des destinations cubaines à leurs offres touristiques, refusent de tarir ce commerce, « d’autant plus qu’aucun touriste n’a jamais été affecté ».
Et si le coupable était un équipement de l’ambassade ?
Le 15 septembre, l’agence de presse Associated Presse (AP) révèle qu’un fonctionnaire du National Security Subcommittee (NSSC) lui a déclaré que le NSSC préparait une plainte contre l’American Technology Corporation (ATC), fabricant des équipements LRAD-RX qu’utilise le NSSC pour communiquer avec ses agents à Cuba. Bien qu’inscrite aux États-Unis, la ATC serait une entité créée par les forces de sécurité d’Israël (2) comme une arme devant rendre l’ennemi sourd. Un défaut de conception serait-il à l’origine de la « maladie » ? Les techniciens ont envoyé les appareils pour révision mais on ne connait pas les résultats…
Une manœuvre pour anéantir le rapprochement Cuba – États-Unis ?
Le discours de Donald Trump à Miami en juin dernier laissait déjà présager un renversement de la politique US envers Cuba. Dans ce discours dirigé à l’exil cubain, il « saluait les héros de la Brigade 2506 » (3), approuvait la continuité de l’embargo total et proposait d’interdire le tourisme US vers Cuba. La porte-parole du Département d’État, Heather Nauert, a eu beau reconnaître que son gouvernement n’a pu déterminer l’origine de ces « attaques », le président Trump a quand même déclaré : « Je crois que Cuba est responsable », sans apporter la moindre preuve. On ne connait même pas le nom des diplomates « attaqués ».
Le blocus illégal continue
Depuis 1962, les États-Unis imposent un blocus économique et financier à Cuba qui a chiffré à 800 milliards de dollars le manque à gagner et les pertes économiques dues à cet embargo. Chaque année, les Nations Unies votent massivement pour l’arrêt de ce blocus que même le président Obama avait jugé « inutile et inefficace », sans y mettre fin. L’ambassadeur cubain en Bolivie, Benigno Pérez, rappelle que cet embargo a été illégalement imposé au reste du monde et prend comme exemple l’amende très lourde imposée à la banque française BNP-Paribas pour avoir « violé » les sanctions envers Cuba en 2014. En 2015, la Deutsche Bank et la Royal Bank of Scotland avaient dû payer une forte amende pour avoir commercé avec Cuba.
Trump amplifie le blocus
Cela fait 26 ans que les Nations Unies votent en faveur de l’arrêt de l’embargo. Depuis 1998, seuls les États-Unis et Israël votent pour la prolongation du blocus. Ce 1er novembre 2017, 191 pays ont voté pour la levée de l’embargo, 2 pays ont voté contre : les États-Unis et Israël…
Jac FORTON