Il y a deux ans, les éditions Insula faisaient découvrir au public français les dessins de Gervasio Troche, dessinateur d’origine uruguayenne qui est né en Argentine, a vécu en France et au Mexique avant de retourner vivre en Uruguay. Ses Dessins invisibles ouvraient l’imagination. La publication de Équipage confirme les multiples qualités de cet artiste qui est l’invité des Belles latinas 2017.
La première impression, quand on feuillette ce recueil de dessins est la légèreté du trait et, souvent, des sujets. Le décor est réduit à l’essentiel, uniquement ce qui compte pour créer une atmosphère, par exemple l’automne, souvent évoqué, qui devient un arbre dont les feuilles volent en tombant. Les feuilles peuvent être missives ou même la main du personnage présent au pied du platane, la fantaisie du créateur est reine.
Un autre thème récurrent, traité dans une grande variété, est la liberté, celle des femmes et des hommes ; liberté souveraine malgré les réalités matérielles, comme la ville moderne, étouffante, la nature elle-même (il pleut beaucoup dans les dessins de Troche !), cette liberté si chère aux surréalistes « historiques ». On pense parfois à Magritte, mais souvent il s’agit plus d’un surréalisme poétique, comme ce dessin dans lequel les vagues de la mer, au-dessus de la ligne d’horizon, deviennent les oiseaux volant dans le ciel.
L’amour est très souvent évoqué lui aussi, dans des étreintes impossibles mais si belles. Ces dessins poussent au rêve ceux qui s’arrêtent quelques minutes pour les contempler. Car, après avoir feuilleté le livre, on ne peut que revenir sur certains dessins, un choix personnel, la variété d’inspiration est telle qu’on reviendra forcément sur l’un ou l’autre de ces dessins dont la pure beauté, ou l’humour, ou l’idée feront qu’il nous obligera, d’une certaine façon, à nous plonger sur la pureté de son trait, comme cette « famille » faite d’un seul trait.
Ou ce père avec son fils sur la plage. Passé et avenir. Peut-on dire de façon plus épurée le destin humain ?
L’humour, subtile, souvent décalé, désabusé aussi, contribue pour beaucoup à rajouter encore du charme à cet ouvrage que l’on peut sans exagérer qualifier d’indispensable.
Christian ROINAT