Se rendre à la Mostra de Venise – 30 août – 9 septembre – n’est pas comme se rendre au Festival de Cannes. D’abord, il y a la beauté de la ville augmentée encore par les expositions de la Biennale les années impaires. Ensuite, plusieurs films intéressants.
Photo : Ecran Noir
A l’aéroport, vous embarquez dans un vaporetto qui va vous emmener en un peu plus d’une heure près de la place Saint Marc. De là vous prenez un autre bateau directement pour le Casino du Lido, autour duquel se situent les sept salles de projections. Ce qui impressionne d’abord c’est le silence puisque sur les lieux de la Mostra, il n’y a pas de voiture. Devant nous la plage avec ses petites cabines de toiles, mais peu de gens dans l’eau devant le luxueux hôtel Excelsior, palais mauresque imitant l’Alhambra de Grenade. Devant la Sala Grande du Palazzo del Cinema où se déroule la compétition officielle, pas d’escalier : alors les paparazzi attendent assis sous des parapluies.
L’eau, il en est question dès les premiers jours avec la projection du film de Guillermo del Toro, The Shape of Water où, au début des années 60, un être mi-homme, mi-poisson sorti de l’eau et séquestré dans un laboratoire ultra-secret de l’armée va devenir amoureux d’une jeune femme de ménage muette. Il s’agit du remake d’un célèbre film de Jack Arnold L’étrange créature du lac noir (1954). Moins délirant que certains de ses autres films, le réalisateur mexicain de L’échine du diable et du Labyrinthe de Pan réussit un film très beau et inventif. En plus du Lion d’Or, la récompense suprême octroyée pour la première fois à un cinéaste latino qu’il a dédié au cinéma latino, il a obtenu trois autres prix, dont l’un pour l’innovation technique et un autre pour la musique d’Alexandre Desplat. Les plus heureux pourront découvrir le film le dimanche 15 ou le samedi 21 octobre durant le Festival Lumière de Lyon. Le cinéaste mexicain y fera également une master class le lundi 16 et présentera quelques uns de ses films.
Très attendu, le nouveau film de la réalisatrice argentine Lucretia Martel est inspiré d’un roman d’Antonio de Benedetto, Zama, qui nous rapporte l’histoire d’un officier de la Couronne d’Espagne du XVIIIe siècle à Asunción. Mais ce personnage, chargé de représenter la Couronne, doit aussi surveiller la population locale. Sa faiblesse l’empêche de partir et finalement sa tristesse le rend plus brutal, plus sauvage, jusqu’à ce qu’il rejoigne une expédition visant à retrouver un criminel recherché. On voit que l’on est près du monde de Werner Herzog dans Aguirre ou Fitzcarraldo. Production difficile à monter avec de très nombreux coproducteurs et avec des acteurs de différents pays. L’acteur hispano-mexicain, Daniel Giménez Cacho, que l’on a vu chez Alfonso Cuarón, Guillermo del Toro ou Almodóvar, interprète très bien Zama, ce personnage qui sombre dans la mélancolie.
Autre film latino, Invisible de l’Argentin Pablo Giogelli qui avait obtenu la Caméra d’Or à Cannes en 2011 pour son très beau film Les Acacias. Il s’agit ici de l’histoire d’une gamine qui vit avec sa mère malade. Elle tombe enceinte d’un individu médiocre mais gentil. Va-t-elle avorter dans ce pays où l’IVG est interdit ? Le film est très lent et très descriptif. On est loin de la richesse des deux personnages principaux des Acacias.
Des trombes d’eau sont arrivées pendant la projection du beau film libanais L’insulte, film de Ziad Doueiri, un conflit pour une peccadille qui ira jusqu’au procès, entre un libanais chrétien et un réfugié palestinien. Kamel El Basha obtiendra le prix d’interprétation masculine. Impossible de sortir de la salle à la fin de la séance et, quand la pluie s’est calmée, nous avons dû marcher dans les eaux ! Cela nous a empêché d’aller voir Temporada de Caza de Natalia Garagiola, centré sur un guide respecté en Patagonie se retrouvant confronté à l’éducation de son fils biologique qui vient d’être renvoyé de l’école. Dans un environnement sauvage, le père va devoir apprivoiser son fils et lui enseigner le respect de la nature et des relations humaines. Le réalisateur colombien Jhonny Hendrix Hinestroza a clos l’édition 2017 des Journées des Auteurs de Venise avec Candelaria, sur un couple de septuagénaires cubains dont la vie est révolutionnée par un caméscope oublié par un touriste.
Parmi les films remarqués citons Suburbicon de George Clooney sur un scénario très inventif des frères Cohen ; La Villa de Robert Guédiguian ; M, premier film de la comédienne Sara Forestier ; Jusqu’à la garde de Xavier Legrand, prix Lion du Futur, et Mektoub mon amour (chant 1) d’Abdellatif Kechiche qui a cette fois encore partagé les spectateurs et les critiques. La représentation états-unienne, française et italienne était très (peut-être trop) présente et ne laissait pas assez de place aux autres cinématographies. Mais la Mostra se déroule dans un bel endroit. Un agréable Festival !
Alain LIATARD