L’Amérique latine était bien présente à Arles, comme terre de photographie, avec la Colombie en point d’orgue. Dans le cadre de l’Année France-Colombie 2017, nous avons suivi toute l’année 2017, les multiples événements de la France en Colombie et, depuis juin, de la Colombie en France jusqu’à fin décembre prochain.Avec environ quarante expositions, les Rencontres d’Arles – du 3 juillet au 24 septembre 2017 – s’affirment comme un observatoire de la création actuelle et des pratiques photographiques. Des rapprochements au sein de la programmation se déclinent comme des séquences. Ils permettent d’identifier des rubriques et favorisent, année après année, un suivi au plus près des évolutions de la photographie. Toutes les expositions sont organisées dans le cadre de l’Année France-Colombie 2017, avec le soutien de son Comité des mécènes.
Photo : D’après le catalogue des Rencontres d’Arles 2017
Pulsions urbaines – Toute l’Amérique latine de 1960 à 2016
À Arles donc, quatre points forts pour l’Amérique latine. D’abord à l’Espace Van Gogh, Pulsion urbaines – Photographies latino-américaines 1960-2016. Pulsions urbaines est conçu comme un essai visuel sur une ville qui trouve sa signification dans son mouvement même. L’exposition embrasse un demi-siècle de photographie latino-américaine et plusieurs centaines d’images choisies dans la collection de Leticia et Stanislas Poniatowski. Le regard porté ici s’attache à reconstruire l’imaginaire des villes du continent à partir de travaux réalisés par des photographes eux-mêmes entraînés dans la création de l’identité conflictuelle de l’être latino-américain. La présente exposition énonce les contradictions d’un continent hybride pris entre les mondes préhispanique et postcolonial et la société de marché qui s’est implacablement emparée des processus de solidification des villes. On y voit la transition du rural à l’urbain, ou mieux encore, cette façon qu’ont le rural et le populaire de vivre ensemble dans la métropole rêvée. Ces Pulsions urbaines se jettent dans l’avenir. Le chaos agit en elles comme une force émancipatrice et, sur ce chemin, aucun mur n’y pourra rien, l’Amérique latine ne peut être minorisée.
Alexis Fabry et María Wills, Commissaires de l’exposition. Publication : Pulsions urbaines : photographie latino-américaine 1960-2016, Toluca éditions, 2017. Encadrements réalisés par Circad, Paris.
L’immense exposition de Paz Errázuriz, l’histoire en portraits, entre dictature et démocratie chilienne
Dans l’imposant Atelier des Forges, l’exposition de la photographe chilienne Paz Errázuriz, née en 1944 à Santiago où elle vit et travaille. Une poétique de l’humain. Paz Errázuriz a débuté sa carrière artistique en autodidacte dans les années soixante-dix, sous la dictature de Pinochet. Cofondatrice de l’Association des photographes indépendants (AFI), elle utilise le portrait en noir et blanc pour dénoncer la dictature mais aussi les diktats sociaux condamnant des individus et des groupes à une marginalisation qui les rend invisibles. Son travail, qui s’inscrit dans le genre du documentaire social, traduit, depuis ses débuts, une énergie créative et une insatiable curiosité pour le genre humain. Ses images brisent de nombreux tabous dans la société privée de liberté qu’était le Chili jusqu’à la restauration de la démocratie. Par sa photographie engagée, Paz Errázuriz montre l’histoire troublée du Chili et explore son pays avec exhaustivité en donnant à voir ceux que la société ne regarde pas. Chronologique et thématique, l’exposition rassemblera environ 150 tirages des années 1970 à nos jours.
Paz Errázuriz, vient d’être décernée au Chili prix national des Arts platiques 2017
Commissaire de l’exposition : Juan Vicente Aliaga. Exposition organisée par la Fundación MAPFRE, en collaboration avec le Jeu de Paume et les Rencontres d’Arles. Publication : Paz Errázuriz, Aperture/Fundación MAPFRE, 2016.Traduction française disponible gratuitement sur jeudepaume.org.
La Vuelta : le travail de 28 photographes colombiens de différentes générations
La Chapelle Saint-Martin du Méjean a été réservée pour présenter La Vuelta, l’exposition de 28 photographes colombiens de différentes générations, appartenant aussi bien à de genres traditionnels de la photographie qu’à des pratiques expérimentales fondées sur la recherche. Les projets sélectionnés explorent les mutations du paysage culturel, social et politique des identités, des valeurs et des croyances, et interrogent les notions de classe, d’identité, de survie économique, ainsi que l’histoire du conflit armé qui a duré soixante ans et qui a alimenté le trafic de drogue. L’exposition s’articule autour de quatre axes conceptuels : histoire/mémoire, lieu/territoire, nature/culture e identité/représentation, regroupés en quatre sections. Souvenirs subjectifs aborde l’expérience du conflit armé qui n’a fait que perpétuer une culture de la violence politique en Colombie au cours des six dernières décennies Cartographies urbaines explore le dialogue entre les artistes et la mobilité urbaine, de la mémoire des lieux aux paysages socio-économiques des villes latino-américaines d’aujourd’hui. Nouvelles cultures de la nature interroge la division entre nature et culture à travers les enquêtes historiques et la recherche scientifique. Enfin, Nouvelles cultures de l’image se penche sur la construction sociale des identités et des représentations culturelles à travers la réponse critique des artistes à la manière dont les médias et les réseaux sociaux influencent la perception des identités raciales, sexuelles et de genre.
Le titre de l’exposition, La Vuelta, est emprunté à une œuvre de Juan Fernando Herrán. Dans son travail, le terme vuelta, tiré de l’argot colombien, renvoie à une activité illégale : vol, meurtre, trafic de stupéfiants ou d’armes. Dans le cyclisme et d’autres sports, la vuelta est une course par étapes qui fait le tour d’un pays ; l’exposition est ainsi présentée comme la visite d’un pays au prisme de sa production artistique. Enfin, le terme vuelta suggère un retour, un come-back, au moment où la Colombie entre dans une nouvelle ère après la conclusion d’un accord de paix avec le groupe insurgé des FARC. Vuelta exprime donc autant la tension de l’attente que la possibilité d’un renouveau – un mot riche de sens, et particulièrement pertinent pour tous les thèmes abordés. Carolina Ponce de León.
Commissaires de l’exposition : Carolina Ponce de León et Sam Stourdzé. Publication : La Vuelta, Seguros Bolívar, 2017. Tirages réalisés par Fanlab, International Printer, Poder Fotográfico et Mauricio Mendoza de Fotografía, Colombie, et Diamantino Labo Photo, Paris. Encadrements réalisés par Fanlab et Edwar Domínguez A., Colombie, et Plasticollage et Circad, Paris.
La vache et l’orchidée, une collection délirante de photographies
Enfin à La Croisière, La Vache et l’Orchidée, toute la richesse et la diversité de la Colombie à travers la collection délirante de photographies vernaculaires d’Archive Modern Conflict photographie vernaculaire colombienne. Je collectionne des photographies de la Colombie depuis plus de dix ans. Parfois, j’en trouve une ou deux, tandis qu’à d’autres moments, elles se présentent à moi. Leur variété en termes de sujets, de régions ou d’époques représentés a été une véritable révélation pour moi. Ces images m’ont aidé à comprendre un peu mieux ce pays incroyable, bien qu’en réalité cette compréhension reste minime. La Colombie, au même titre que la photographie, n’est jamais ce qu’elle prétend être. La comédie y est omniprésente et se teinte parfois de tragédie En entremêlant et en superposant divers éléments d’une imagerie vernaculaire, La vache et l’orchidée forme un collage qui puise dans la diversité des paysages : des côtes des Caraïbes et du Pacifique aux plaines fertiles en passant par les Andes ; de la jungle amazonienne aux villes inconnues et tentaculaires. L’exposition s’articule autour de deux symboles nationaux : la vache et l’orchidée. Timothy Prus.