Du 21 au 27 mars dernier s’est déroulée en Colombie la cinquième édition du festival littéraire Bellas Francesas – dont Nouveaux espaces latinos est le concepteur – dans diverses institutions académiques et culturelles prestigieuses. Nourri de l’expérience de quinze ans de sa grande sœur française, le festival Bellas Latinas, et fort du succès des quatre éditions précédentes dans le Cône Sud, le Bellas Francesas a poursuivi son voyage latino-américain à la rencontre des colombiens. Cette cinquième édition s’inscrit pleinement dans la célébration de l’année croisée France-Colombie et dans ses objectifs de partage et de dialogue entre nos deux pays.
Photo : Dialogues d’écrivains français avec des poétesses colombiennes Olga Barry –
Cette année, le festival a donc accueilli pendant une semaine trois écrivains français dont certains livres sont traduits en espagnol : Carole Zalberg (éd. Grasset), Stéphane Chaumet (éd. Seuil) et Frédéric Couderc (éd. Héloïse d’Ormesson). Le mardi 21 mars María del Rosario Aguilar Perdomo, directrice du département de littérature de la prestigieuse Université Nationale nous ouvrait les portes du magnifique bâtiment circulaire en briques roses de la faculté de Sciences Humaines, œuvre du grand architecte colombien Rogelio Salmona. C’est dans ce très beau bâtiment aux courbes et ouvertures poétiques figurant une lointaine Alhambra propice à la réflexion et au dialogue culturel, que nos trois écrivains français échangèrent durant près de deux heures avec deux écrivains colombiens, Lina María Pérez et Alfonso Carvajal, répondant aux questions d’une autre écrivaine colombienne, Alejandra Jaramillo, enseignante du département de littérature.
En fin d’après-midi, le festival se poursuivait dans l’intimité de la Casa Tomada, vieille maison labyrinthique du quartier de Palermo à Bogotá, littéralement « prise par les livres » et transformée en librairie-café dans un double clin d’œil délicieux à l’Argentine. Au dernier étage de cette curieuse librairie, dans une petite salle au toit pointu évoquant une chapelle où trônent de magnifiques portraits de très grandes figures de la littérature, Stéphane Chaumet a présenté à un public de fidèles son anthologie bilingue Vientre de luz – / Ventre de lumière, qui réunit les voix de quatorze poètes colombiennes et celle du poète Raúl Gomez Jattin. (Voir extraits sur YouTube)
Amparo Osorio, Eugenia Sánchez Nieto, Mery Yolanda Sánchez, Yirama Castaño, Fadir Delgado, Margarita Losada Vargas, Alexandra Espinosa, Melibea Garavito, huit des quatorze poètes de l’anthologie éditée et traduite par Stéphane Chaumet, nous ont régalés de leurs voix et de leurs poèmes. Nos trois auteurs français ont créé par leur lecture en miroir des poèmes en français un dialogue musical entre les langues. Un immense merci à Ana María Aragón de nous avoir ouvert les portes de sa librairie, pour cet inoubliable moment de poésie, dans ce lieu magique ! Le mercredi 22 au matin, l’Université Pontificia Javeriana qui a accueilli les Assises du Français sur son superbe campus construit à flanc de montagne, invitait les trois écrivains pour deux heures de lecture bilingue devant un public composé essentiellement de futurs enseignants de français. En fin d’après-midi, Nina Alejandra Cabra Ayala, doyenne de la faculté des Sciences Sociales de la Universidad Central ouvrait une belle rencontre El despertar de la palabra autour des textes de Stéphane Chaumet, en présence de trois poètes colombiens María Paz Guerrero, Liliana Moreno et Álvaro Miranda. La journée s’est achevée autour d’un verre avec une rencontre littéraire d’un tout autre genre, loin de l’académie, au Bar Galería, un établissement qui accueille régulièrement des écrivains et des poètes pour des échanges plus informels.
Photo : les trois écrivains dans le Bar Galería de Bogotá (Olga Barry)
Le jeudi 23, nos trois auteurs français ont fait rayonner les Bellas Francesas en voyageant dans trois villes de province. Carole Zalberg s’est rendue à Manizales, dans la zone du café où elle a dialogué avec l’écrivain colombien Octavio Escobar, dans une rencontre préparée conjointement par l’Alliance Française et l’Université de Caldas. Frédéric Couderc est allé à Bucaramanga, une ville située dans le nord de la Cordillère orientale pour dialoguer avec Juan Carlos Mantilla, professeur de littérature devant le public de l’Alliance Française et de la Universidad Autónoma de Bucaramanga. Stéphane Chaumet de son côté s’envolait pour Cali, la troisième ville du pays, située dans la Vallée du Cauca entre la cordillère occidentale et la cordillère centrale des Andes, pour une conversation littéraire avec Julio César Londoño, écrivain et critique littéraire devant le public du lycée français de Cali.
Vendredi 24 au matin, le retour à Bogota a été un peu laborieux en raison des intempéries. Notre programme s’en est trouvé un peu modifié : seul Frédéric Couderc a pu aller à la mi-journée à la rencontre organisée par Federico Díaz Granados, poète et journaliste colombien, directeur de la programmation culturel de ce prestigieux lycée de Bogota. Frédéric a présenté en français son dernier livre Le jour se lève et ce n’est pas le tien devant des lycéens manifestement très intéressés par la figure de Camilo Cienfuegos. En fin d’après-midi, le festival s’est terminé en beauté, avec une lecture dansée qui a eu lieu à l’Alliance Française de Chicó, un quartier de Bogota. Les deux artistes très complices dans leur interprétation ont invité le public à cette découverte croisée des arts : Ximena Cuervo Vela, la danseuse s’est faite aussi actrice et Stéphane Chaumet a fait danser les mots.
Cette première édition colombienne des Bellas Francesas s’est achevée dans l’enthousiasme suscité par la magie des rencontres. Il nous reste à remercier chaleureusement les trois écrivains et toutes les personnes qui ont œuvré pour que ce festival ait lieu. Nous nous projetons déjà dans la prochaine édition que nous imaginons encore plus étoffée. Certains contacts sont déjà pris qui nous aideront dans cette tâche de pérennisation de l’événement. En attendant l’édition 2017, nous souhaitons bonne chance au festival Bellas Latinas 2017, convaincus que le dialogue culturel franco-colombien s’y poursuivra.
La littérature, inlassablement, comme le cinéma, la musique et l’art en général, nous offre de précieux éclairages qui sont autant de clefs pour déchiffrer les réalités multiformes de nos sociétés complexes, nourrir les imaginaires, effacer les frontières géographiques, culturelles et psychologiques, faire dialoguer savoirs et cultures et dépasser les représentations stéréotypées.
Carole SÁNCHEZ ALBARRACÍN