Belleville, à Paris, est un quartier de cultures multiples où se côtoient des gens venus d’un peu partout. Un bon lieu pour y établir une toute nouvelle maison d’édition qui se veut ouverte sur le monde. Les éditions Belleville se veulent modernes, connectées, et réussissent leur pari. Leur premier titre est brésilien, Sainte Caboche, de Socorro Acioli.
Photo : Publishnews
Parmi les premiers romans publiés, la Moldavie, la Turquie, l’Égypte sont à l’honneur. Les romans bénéficient d’une présentation très réussie, en rapport avec le texte et à chaque page ou presque de petits symboles invitent le lecteur à aller compléter la lecture avec une visite sur le site internet où l’on peut voir des photos des décors du roman, écouter de la musique régionale ou lire un article en rapport avec l’histoire. Nous sommes toujours heureux de voir apparaître une nouvelle maison d’édition et le slogan de Belleville est « »Ouvrir une fenêtre sur le monde », c’est aussi le but d’Espaces latinos. Nous souhaitons un bel avenir aux éditions Belleville, d’autant plus que leur premier titre est brésilien, Sainte Caboche, de Socorro Acioli.
Samuel, à la mort de sa mère, dans un village perdu quelque part dans le Sertão brésilien, décide d’obéir à la défunte et d’aller retrouver son père, un inconnu qui n’a eu qu’une hâte quand il avait appris que Mariinha allait lui donner un fils, les abandonner et disparaître. Son voyage est donc à la fois un parcours d’initiation et de vengeance. Le récit se promène entre le réalisme (la vie quotidienne dans un village pauvre de la région du Horto) et la fable avec phénomènes surnaturels sans que cette apparente contradiction soit gênante, l’univers ainsi créé baignant dans une souriante fantaisie. Socorro Acioli revendique l’influence de Gabriel García Márquez avec lequel elle a participé à un atelier de création. C’est vrai qu’on peut trouver quelques rapports, mais ce qu’elle nous propose est assez différent, bien plus naïf (avec le sens pictural du mot). Un exemple : qu’est-ce que la Sainte caboche du titre ? Rien de moins que le logement provisoire de Samuel : oui, il loge dans le crâne d’une gigantesque statue de saint que le sculpteur n’a jamais terminée. Seule la tête est restée sur le sol, à la sortie du village de Candeia, creuse et un peu effrayante.
Bien sûr on sent quelques imperfections dues sans nul doute à l’inexpérience : certains comportements sont trop commentés, certaines situations qu’on croyait purement fantastiques sont malheureusement expliquées, ce qui nuit au mystère. Mais on oublie vite ces petits défauts qui sont plutôt sympathiques et on se laisse facilement porter par un conte de fées pour adultes. Un conte de fées moderne dans une région qui est restée empreinte de traditions et où la religion, très présente, lorgne vers la superstition. Les gravures d’Alexis Snell qui ponctuent les chapitres du roman et la couverture de Fernando Chamarelli ajoutent au charme de ce bel objet. La destinée de Samuel est tortueuse, l’histoire racontée l’est aussi, les épisodes se succèdent un peu comme dans une saga qu’on égrène, d’un soir à l’autre, avant de s’endormir, en souriant.
Christian ROINAT