Ce 8 mars 2017, le « Jour de la femme' » a été différent. Des centaines de collectifs de femmes dans cinquante-deux pays ont appelé à descendre dans la rue « contre le patriarcat et le machisme dans la rue, les places, la maison et le lit », et pour l’arrêt des violences qui tuent une femme toutes les douze heures en Amérique latine.
Les femmes latino-américaines en masse dans les rues. En Bolivie, les marcheuses ont occupé tout le centre de la capitale La Paz. Au Chili, la présidente Michelle Bachelet a cité comme exemple de réduction de la brèche du genre et du machisme, le projet de loi présenté par son gouvernement pour dépénaliser l’avortement en cas du fétus non viable, de danger pour la vie de la mère ou après un viol. Des milliers de femmes ont défilé. Au Brésil, le président Michel Temer a déclenché une polémique en affirmant qu’il n’y a « personne d’autre que les femmes pour mieux détecter le prix dans les supermarchés » et a renchérit en soulignant « tout le travail que font les femmes à la maison et pour l’éducation des enfants au foyer ». Bref, cuisine et gamins pour les femmes brésiliennes ! Mais celles-ci ont massivement marché en exigeant le respect de leurs droits. En Argentine, plusieurs centaines de milliers de personnes ont défilé ce jour-là dans de nombreuses villes du pays. Pour Majo Gerez du Collectif de Rosario, « Les femmes sont à l’avant-garde de la résistance à l’avancée conservatrice et néolibérale des gouvernements d’Amérique latine et du monde ».
Féminisation de la pauvreté. Selon la CEPAL (Commission Économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes, une agence des Nations unies), le niveau de pauvreté entre 2005 et 2012 avait diminué de 39 à 28 % de la population dans dix-sept pays, surtout au Chili, Uruguay, Venezuela, Argentine, Bolivie, Brésil. La pauvreté a commencé à remonter après 2012. Et ce sont surtout les femmes qui en supportent le poids. Pour la FAO (Agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), pour cent hommes indigents, il y a cent vingt-et-une femmes dans les mêmes conditions ! Au Brésil, les hommes gagnent un salaire moyen de 610 dollars par mois alors que les femmes en touchent 430 et les femmes noires 315. Pour le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, « Le développement global sera plus efficient, la paix plus durable et les droits humains mieux protégés si la femme acquiert une pleine capacitation dans tous les aspects de la société ».
« Fémicides » : un bilan dramatique. Le « femicidio » que l’on pourrait traduire par « fémicide » en contrepartie d’homicide, l’assassinat de femmes par leurs amis, compagnons ou conjoints, atteint des proportions dramatiques. Selon le bureau Amérique latine d’Amnesty International, une femme est tuée par un proche toutes les douze heures. En Argentine toutes les vingt-neuf heures ; au Mexique, sept par jour ; au Paraguay, sept par mois ; en Uruguay 3trente-deux par an, au Chili cinquante-huit (en France, plus de cent par an)…
Le Pérou à contre-courant ! Juste avant le 8 mars, plusieurs centaines de milliers de personnes ont défilé au Pérou contre « l’enseignement de l’idéologie du genre » dans les programmes scolaires, au cri de « Alerte, parents ! L’État veut homosexualiser nos enfants ». Les femmes vêtues de rose et les hommes en bleu pour bien montrer qu’il y a deux sexes, les manifestants critiquent ce qu’ils et elles appellent « la dénaturalisation des concepts d’homme et de femme ». Pour le cardinal Juan Cipriani, « Le plan de Dieu est qu’il y a homme et femme ». Le Mouvement missionnaire mondial a même déclaré que si ses membres voyaient deux hommes ou deux femmes s’embrasser, il fallait les tuer ! Le gouvernement a répondu que « L’homosexualité ne s’apprend pas, l’homophobie si ! L’enseignement existe pour que tout le monde ait des droits et des devoirs ».
Le Document du 8 Mars. Les marcheuses argentines ont publié un document « Pourquoi nous marchons » reprenant les revendications des femmes partout dans le monde. Les principales lignes sont : 1- Nous marchons parce que nous faisons partie d’une histoire collective et internationale : s’organiser contre le patriarcat. 2- Nous voulons « rendre visible » la carte du travail en clé féministe : les ajustements structurels de l’économie pèsent plus sur les femmes et précarisent nos vies. 3- Nous exigeons un droit à un avortement légal, sûr et gratuit. 4- Nous défendons nos différences sexuelles et de genre : fin à la criminalisation de notre défense. 5- Stop à la violence : fin des assassinats, du machisme, de la misogynie et de la haine contre les femmes en général et les LGTB (1) en particulier. 6- Nous exigeons un État laïc : séparation de l’Église et de l’État. 7- Nous voulons construire un mouvement des femmes comme sujet politique.
Jac FORTON