Le premier tour des élections présidentielles équatoriennes se tiendra le dimanche 19 février. Après dix années de gauche au pouvoir, Rafael Correa s’apprête à laisser sa place aux plus hautes fonctions de la nation sud-américaine. Presque treize millions d’Équatoriens sont attendus dans les bureaux de vote pour élire le futur président, 137 membres de l’Assemblée nationale (législatif) et cinq membres du Parlement andin ; en plus de voter pour un référendum promu par l’exécutif, qui vise à interdire aux fonctionnaires de placer de l’argent ou des actifs dans des paradis fiscaux.
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Pour Rafael Correa, ces élections présidentielles « peuvent constituer un point de rupture, pour en finir avec ce retour conservateur et pour reprendre l’élan des mouvements de gauche, à un moment où la région doit tenir compte des politiques du nouveau gouvernement des États-Unis », des propos qu’il a tenus lors d’une conférence de presse avec les journalistes à Quito. Le président équatorien, qui a passé 10 ans au pouvoir et qui quittera ses fonctions en mai prochain, a admis que « ce sont des moments difficiles pour le progressisme dans la région » en faisant référence aux gouvernements d’Argentine et du Brésil. Cependant, Correa, qui se présente comme un chrétien humaniste de gauche, a déclaré que la réalité n’est « pas aussi terrible » en faisant référence à la victoire éclatante de la gauche au Nicaragua.
Selon lui, les mouvements de gauche de la région devraient adopter un élan « plus urgent que jamais » contre les politiques anti-immigration et protectionnistes du nouveau gouvernement des États-Unis avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir. Par conséquent, selon lui, « les yeux de l’Amérique latine et du monde sont braqués sur l’élection en Équateur ». Mi-janvier, Rafael Correa a déclaré dans un discours donné devant une foule réunie dans la ville de Guayaquil, que le pays avait changé au cours de son mandat et que le peuple était plus uni que jamais. « Sans aucun doute, la plus grande réussite de cette révolution est d’avoir retrouvé fierté et espoir. L’Équateur a déjà changé. Nous avons à nouveau une patrie et nous aurons une patrie pour toujours », a déclaré le président . Conscient du poids de son image, Correa a annoncé sa décision de s’installer en Belgique, d’où sa femme est originaire : « Il est préférable que je me retire afin de donner une liberté complète au nouveau gouvernement pour qu’il prenne les décisions qu’il juge appropriées », a-t-il reconnu.
L’ancien vice-président équatorien, Lenín Moreno, est le candidat du parti au pouvoir, le mouvement Alianza País ; il affronte lors de ce processus électoral sept autres prétendants à la présidence et doit répondre aux critiques des candidats qui remettent en question le bilan de l’actuel gouvernement. Parmi les candidats en lice, on peut citer le candidat de centre droit Guillermo Lasso, 61 ans, du mouvement CREO (Créant des opportunités) allié au mouvement SUMA (Société unie pour plus d’action) ; la conservatrice Cynthia Viteri, 51 ans (appuyée par Movimiento concertación) ; le social-démocrate Paco Moncayo, 76 ans, appuyé par Centre démocratique national ; les populistes Abdalá « Dalo » Bucaram, 34 ans, et Patricio Zuquilanda, 69 ans, et les indépendants Iván Espinel, 33 ans, et Washington Pesántez, 60 ans.
Mais le charisme ne se transmet pas en héritage, et le candidat de son parti Alianza País (AP), Lenín Moreno (singularité du candidat, il a été victime d’une agression qui l’oblige à se déplacer en fauteuil roulant depuis 1998), dont les intentions de vote sont estimées à environ 35 %, devrait se retrouver au second tour, car il faut au moins 40 % des voix et 10 points de différence avec le deuxième candidat pour être élu directement au premier tour. Or, lors d’un éventuel second tour (prévu le 2 avril), les deux candidats qui suivent Moreno (vice-président entre 2007 et 2013) peuvent s’assurer la victoire en réunissant les forces de l’opposition. L’ancien banquier Guillermo Lasso est crédité de 23 % des voix, et l’ancienne députée de droite, Cynthia Viteri, qui a terminé cinquième lors des élections de 2006, réunirait 11 % des suffrages. Quel que soit le prochain président, les analystes conviennent que l’Équateur devra se familiariser avec un mot qui était absent de leur vocabulaire politique au cours des 10 dernières années : gouvernabilité. « Je ne pense pas qu’un parti puisse atteindre la majorité absolue au cours de ces élections, la moitié plus un à l’Assemblée nationale. Et cela va entraver la gouvernabilité », estime le politologue Simon Pachano.
Lors de la campagne électorale, le successeur de Correa a annoncé que si son parti obtenait la victoire, il continuerait à travailler pour pallier les conséquences des discriminations envers les personnes handicapées. En décembre 2013, sur nomination du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, Lenín Moreno a été nommé envoyé spécial sur le handicap et l’accessibilité. En 2014, la Maison du rire et de l’humour de Cluny lui a décerné le prix Humour de Résistance. Par ailleurs, Lenín Moreno, accompagné de son vice-président potentiel Jorge Glas, a exhorté les jeunes Équatoriens à innover et à acquérir l’esprit d’entreprise. « Notre Constitution reconnaît les jeunes comme acteurs stratégiques dans le développement. Alors osez développer votre esprit d’entreprise, chers jeunes » a-t-il déclaré lors de la réunion nationale de la jeunesse 2017. Moreno a annoncé que s’il gagnait la présidence le 19 février prochain, il accorderait des prêts et des bourses à la jeunesse pour encourager l’innovation et la volonté d’entreprendre. « Je n’ai jamais manqué à mon pays, je ne manquerai pas à la jeunesse ». On rappelle que ce pays producteur de pétrole et « dollarisé » est fortement affecté depuis plusieurs mois par la chute des cours du brut, la hausse du billet vert et la dévaluation des monnaies du Pérou et de la Colombie, ses voisins.
Catherine Traullé
D’après Actu Info et PCF Bassin d’Arcachon