La visite de Xi Jinping, la troisième depuis qu’il a pris ses fonctions de président en mars 2013, aura un impact majeur sur l’Amérique latine. Le président chinois s’est rendu en Équateur, au Pérou et au Chili, du 17 au 23 novembre, et a assisté à la vingt-quatrième réunion des dirigeants de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC) à Lima les 19 et 20 novembre dernier.
Depuis le début de ce siècle, la Chine a renforcé ses liens politiques et commerciaux avec l’Amérique latine. Selon l’agence équatorienne Andes, « le volume commercial entre la Chine et l’Amérique latine s’est multiplié par 20, pour atteindre 236,5 milliards de dollars en 2015″. Et le « géant asiatique » est le second plus grand partenaire commercial et la troisième source d’investissement en Amérique latine.
« Cette visite reflète l’importance que la Chine attache à ses liens avec l’Amérique latine. Notre région est une priorité pour la Chine, et l’Amérique latine comprend que c’est pour elle une opportunité unique« , a estimé Miguel Rodriguez, un analyste péruvien, lors d’une interview accordée à Xinhua (Pérou), «que cela plaise ou non aux Etats-Unis, qui n’ont pas vu d’un bon œil l’intégration de la Chine au groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), puisqu’ils ont toujours eu une influence marquée sur notre continent. Les Chinois agissent à une vitesse incroyable. Ils savent qu’il faut aller vite dans le domaine des relations internationales, et la Chine sait comment acquérir le monde à sa cause. Elle produit comme aucun autre pays au monde et a donc besoin de marchés comme le nôtre. La Chine sait que notre région est une mine d’or, et l’a toujours été. L’Amérique latine se développe comme jamais auparavant, et c’est pourquoi la Chine cherche à renforcer ses liens commerciaux avec elle. Cela s’explique aussi par l’objectif de diversification de ses exportations. En conséquence, la Chine considère qu’il est aussi important d’investir dans des pays développés comme les États-Unis que dans des économies en pleine croissance comme l’Amérique latine. L’Amérique latine n’est pas uniquement intéressée par le développement de liens commerciaux. Elle est également intéressée par les technologies chinoises, qui lui permettront de stimuler son développement et son industrialisation ». Ce voyage est « une nouvelle phase » dans la coopération globale et les relations bilatérales entre le géant asiatique et l’Amérique latine.
En Équateur : La première escale de Xi était Quito où il a rencontré le président Rafael Correa et la présidente de l’Assemblée nationale, Gabriela Rivadeneira, et a assisté à la signature d’une série d’accords de coopération. Il a aussi rencontré la presse et visité le siège de l’organisme national équatorien d’intervention d’urgence (ECU-911). Il s’agit de la première visite d’un mandataire chinois en Équateur depuis l’établissement de relations diplomatiques, en 1980. Lors de cette visite, il a promis que la Chine continuerait à soutenir l’Équateur dans ses efforts de relèvement et de reconstruction à la suite du séisme qui a frappé le pays en avril 2016. La Chine a fourni à l’Équateur un appui financier en espèces d’un montant de deux millions de dollars et une aide humanitaire d’une valeur de 9,2 millions de dollars à la suite de ce tremblement de terre meurtrier. Le résultat le plus remarquable de cette visite a été la décision de la Chine et de l’Équateur de hisser leurs relations bilatérales au niveau de partenariat stratégique global. Le président chinois a indiqué que les relations sino-équatoriennes étaient entrées dans une période clé au cours de laquelle la coopération entre les deux pays sera de la plus grande importance pour les deux parties. Selon un communiqué conjoint publié jeudi, la Chine et l’Équateur ont décidé de renforcer leur coopération en matière de capacité de production et dans les secteurs économique et commercial. Cherchant à promouvoir leur coopération en matière de capacité de production et d’investissements, les deux pays ont promis de mettre en œuvre de grands projets dans les secteurs du pétrole et du gaz, des mines, des infrastructures, de la conservation de l’eau, de la communication et de la finance, et d’explorer leur coopération dans les domaines de l’agriculture, de la pétrochimie, de la construction navale, de la métallurgie et de l’industrie papetière. La Chine est prête à transférer des technologies à l’Équateur afin de stimuler l’industrialisation du pays et de renforcer sa capacité de développement indépendant.
Les deux pays se sont également engagés à encourager leurs entreprises et institutions financières à envisager de coopérer sur le projet de la raffinerie du Pacifique, un grand complexe pétrochimique situé dans la province de Manabi, dans le nord de l’Équateur, qui deviendra un pilier de l’industrie pétrochimique du pays et de l’ensemble de la région. Dans le domaine du commerce, Beijing et Quito cherchent à atteindre une croissance commerciale stable, durable et équilibrée, et promettent de faciliter l’accès de leurs produits respectifs sur le marché de l’autre. La Chine et l’Équateur ont de plus décidé de renforcer leur coopération dans les domaines de l’éducation, de la culture, de la santé, du sport, du tourisme et de la justice, de soutenir les échanges entre les médias et les artistes des deux pays et d’accroître les échanges d’étudiants afin de promouvoir la compréhension et l’amitié entre les deux peuples.
Au Pérou : La seconde étape de Xi a été le Pérou, les 19 et 20 novembre, sur l’invitation du nouveau président PP Kuczynski. Le Pérou et la Chine ont une longue histoire d’échanges amicaux. Les premiers Chinois sont arrivés au Pérou en 1849, et les Péruviens d’origine chinoise représentent aujourd’hui environ 10% de la population, tissant des liens de sang d’amitié entre les deux pays. De même, le Pérou compte plus de 10 000 restaurants chinois appelés « Chifa » (un mot qui rappelle le verbe chinois voulant dire manger), qui sont populaires et reflètent la profondeur de l’intégration des cultures chinoise et péruvienne.
Cette année est le 45e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et le Pérou, et depuis, les relations bilatérales se sont développées de manière fructueuse : les fréquents échanges de haut niveau ont permis d’approfondir la confiance politique mutuelle, le commerce et l’investissement vont de pair, et le mécanisme de coopération s’est amélioré de façon constante, les domaines multilatéraux se soutiennent mutuellement, et les échanges culturels sont en plein essor. Le Pérou est devenu non seulement le seul pays d’Amérique latine à avoir conclu un partenariat stratégique global avec la Chine, mais il a également signé un ensemble d’accords de libre-échange bilatéraux. La Chine est devenue pour le Pérou le plus grand partenaire commercial, la plus grande destination d’exportations et la plus grande source d’importations ; les investissements totaux au Pérou ont atteint plus de 14 milliards de dollars US, plus de 170 entreprises chinoises investissent au Pérou. Les téléphones mobiles, les automobiles, les engins de construction et autres produits chinois sont très appréciés au Pérou, tandis que les avocats, les raisins, les produits d’alpaga sont également de plus en plus populaires auprès des Chinois.
Le développement interne des deux pays concorde en termes de besoins. Les deux pays sont dans une période cruciale de transformation et de modernisation économiques : le Pérou met ainsi en œuvre la diversification de sa production, accélère son processus d’industrialisation, tandis que la Chine fait la promotion d’une production de haute qualité ; la coopération entre les deux pays pour renforcer leur coopération en matière de capacités de production, en particulier dans les domaines des infrastructures, de l’énergie, des mines, de la transformation et de la fabrication, est prometteuse.
Le Pérou et le Chili sont tous deux signataires du Partenariat transpacifique, sous l’égide des États–Unis, mais l’avenir de ce bloc commercial reste incertain suite au résultat des présidentielles américaines. M. Yang (chercheur à l’Institut des Études d’Amérique latine à l’Académie des sciences sociales de Chine) a souligné que le Pérou et le Chili sont aussi membres de l’Alliance du Pacifique, le bloc commercial le plus actif d’Amérique latine, et qu’ils seront disposés à promouvoir un accord de libre-échange signé par les pays du pourtour de l’océan Pacifique.
À l’occasion du sommet annuel de l’APEC : Xi Jinping a clairement défendu le libre-échange face au protectionnisme de Trump. Il a appelé le samedi 19 novembre à Lima les dirigeants de la zone Asie-Pacifique à soutenir l’accord régional de libre-échange proposé par la Chine pour combler le vide laissé par le probable abandon de l’accord TPP par les États-Unis. « La construction d’une zone de libre-échange de l’Asie-Pacifique (FTAAP – Free Trade Area of the Asia Pacific) est une initiative stratégique vitale pour la prospérité à long terme de la région. Nous devons nous y atteler fermement. Nous n’allons pas fermer la porte au monde extérieur, mais l’ouvrir encore plus largement ». Il a défendu le RCEP (Partenariat régional économique global ), projet d’accord de libre-échange entre l’Asean (Association des nations du Sud-Est asiatique), l’Australie, la Chine et l’Inde notamment, mais sans les États-Unis. Le RCEP est présenté par Pékin comme une étape majeure dans la construction de la zone de libre-échange Asie-Pacifique (FTAAP), qui rassemblerait les pays membres de l’APEC et dont la conclusion devrait prendre des années, si jamais elle doit voir le jour. « Nous allons pleinement nous investir dans la globalisation économique en soutenant le commerce multilatéral, en faisant avancer la FTAAP et en travaillant à la conclusion rapide des négociations sur le RCEP », a-t-il déclaré. Le président chinois devait rencontrer pour la dernière fois Barack Obama dans l’après-midi lors d’un entretien bilatéral. Les 21 économies de l’APEC représentent 60 % du commerce mondial et 40 % de sa population. Elles ont largement profité de la mondialisation et comptent bien approfondir leurs échanges, avec ou sans les États-Unis.
Au Chili : Le voyage de Xi s’est terminé au Chili. Cette visite est la première d’un chef d’État chinois au Chili depuis 12 ans, et constitue un nouveau jalon dans l’histoire des relations sino-chiliennes, avec un impact considérable sur le développement futur des relations bilatérales, injectant un nouveau et puissant élan pour l’amitié et la coopération dans divers domaines entre les deux pays. Le président chinois et la présidente Michelle Bachelet ont signé une série d’accords de coopération dans des domaines comme l’économie, le commerce et la communication.
Catherine TRAULLÉ