Des films et un DVD qui feront parler cette semaine

Poesía sin fin d’Alejandro Jodorowsky a été sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes et  gagné un Léopard d’honneur au festival de Locarno. A 87 ans, Jodorowsky parle de sa jeunesse. C’est le second volet d’une trilogie en cours, après  La danza de la realidad réalisé en 2013.

Ce 5 octobre, l’actualité sur le cinéma latino est très riche. On peut voir sur les écrans Soy Nero du réalisateur interdit en Iran Rafi Pitts, l’histoire des mexicains qui s’enrôlent dans l’armée américaine pour obtenir la « carte verte » (permettant la résidence), et qui sont souvent renvoyés de l’autre coté de la frontière ; le film hagiographique de l’argentin Beda Docampo Feijóo, Le Pape François, et surtout Poesia sin fin d’Alejandro Jodorowsky, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes et  à qui le festival de Locarno  a attribué un Léopard d’honneur. A 87 ans, Jodorowski parle de sa jeunesse. C’est le second volet d’une trilogie en cours, après  La danza de la realidad réalisé en 2013. Le film est aussi fou que le premier volet, même si l’effet de surprise joue moins. Dans l’effervescence de la capitale chilienne Santiago, pendant les années 1940 et 50,  Alejandrito Jodorowsky, âgé d’une vingtaine d’années, décide de devenir poète contre la volonté de sa famille. Il est introduit dans le cœur de la bohème artistique et intellectuelle de l’époque et y rencontre Enrique Lihn, Stella Diaz Varín, Nicanor Parra et tant d’autres jeunes poètes prometteurs et anonymes qui deviendront les maîtres de la littérature moderne de l’Amérique latine. Immergé dans cet univers d’expérimentation poétique, il vit à leurs côtés comme peu avant eux avaient osé le faire : sensuellement, authentiquement, follement. Un film magique. Il y a aussi le festival Viva Mexico au Luminor, Hôtel de Ville de Paris du 5 au 11 octobre, puis en province. L’acteur Diego Luna est annoncé.

Le film « Histoire officielle » de Luis Puenzo en salle avec une version restaurée et aussi en DVD…

Buenos Aires, 1983. Alicia Marnet Ibáñez est professeure d’histoire dans un lycée pour garçons. C’est une bourgeoise vivant confortablement avec son mari Roberto, homme d’affaires sans scrupules, leur fille Gaby, adoptée il y a cinq ans, et la bonne. En ces derniers mois de la dictature militaire, des journaux révèlent l’existence des desaparecidos, des manifestations exigent que soient punis les coupables de la « guerre sale » et de celle des Malouines, les Grands-mères défilent autour de la Place de Mai… Alicia est affectée personnellement : ses élèves la questionnent, son amie Ana rentrée d’exil lui fait le récit de cinq semaines de torture en 1976, Roberto craignant de tout perdre se met à boire… D’abord dubitative, elle accepte peu à peu qu’il existe d’autres histoires que la version officielle qu’elle enseigne…

En octobre dernier nous avons rencontré Luis Puenzo venu à Lyon durant le festival Lumière pour présenter la sortie d’une version restaurée de son film Histoire Officielle. Voici quelques extraits de cet entretien que nous avons publié dans notre dernier numéro trimestriel d’Espaces Latinos (N° 289 – sept.-nov.2016) : « J’ai commencé à faire de la publicité, et j’ai créé ma première compagnie à vingt ans. Au début j’ai fait un film pour enfants, Luces de mis zapatos (1973), puis Las sorpresas (1975) d’après Mario Benedetti avec deux autres réalisateurs. Ensuite je suis revenu à la publicité. Je ne pensais pas refaire des films, mais au moment de la guerre des Malouines, j’ai décidé de faire quelque chose et  je suis revenu au cinéma. En 1982 j’ai commencé à écrire l’Histoire officielle avec Aida Bortnik. On chantait « elle va finir la dictature militaire ! » et on a filmé les manifestations de la place de Mai. On a tourné en 1984 (c’était le second film d’après la dictature), et le film est sorti en avril 1985. Il ne marchait pas très fort. Puis il était à Cannes où Norma Alexandro, qui revenait d’exil, a eu le prix d’interprétation. Le prix du jury œcuménique a été important aussi, puis on a eu l’Oscar du meilleur film étranger à Hollywood… Je ne connaissais pas très bien les histoires d’enlèvement d’enfants. On l’a imaginé. Bien sur on soupçonnait qu’il y avait des enfants disparus, mais on ne savait pas comment cela se passait. On est allé voir l’association des grands-mères de la place de Mai. Elles ne connaissaient pas non plus les méthodes, mis elles ont confirmé qu’il y avait des enfants disparus. Sur les 400 recherchés alors, elles en avaient retrouvés seulement 3. (Dans le film, c’est vraiment les photos des personnes recherchées que l’on voit). Chaque année on en retrouve. On a pensé qu’il y avait des naissances dans les centres de rétention, mais on ne pensait pas que la réalité était aussi horrible.

Puis j’ai fait Old gringo d’après Carlos Fuentes. C’est Jane Fonda qui en avait les droits et on a tourné au Mexique pour la Columbia. En 1990, j’ai réalisé La peste d’après Albert Camus avec un producteur français et avec William Hurt et Sandrine Bonnaire. J’ai adapté pour que l’action se passe en Amérique Latine. C’est un film très politique que j’aime beaucoup. Il est sorti juste après la chute du mur de Berlin et on a été sélectionné à Venise. Je travaille à un nouveau projet avec mon fils Nicolás qui est aussi chef opérateur. Ma fille, dont je produis les films, Lucia, prépare un film avec Amélie Nothomb. Elle, elle écrit un roman et le scénario du film en même temps, je ne sais pas comment elle fait. Pour El  niño pez, le roman est sorti bien avant et est un peu différent du film. »

Propos recueillis par
Alain LIATARD