Crispation de la diplomatie nicaraguayenne face aux opposants au projet d’un canal interocéanique

Le 25 juin dernier, la police nationale du Nicaragua arrêta Francisca Ramírez, une des principales leaders engagées contre le projet de canal reliant les océans Atlantique et Pacifique, ainsi que trois autres membres de la communauté de La Fonseca, dans le district de Nueva Guinea, dans le sud de ce pays d’Amérique centrale. Dans une nouvelle exhibition d’autorité, le président Daniel Ortega fit également arrêter les six membres de la Caravane Mésoaméricaine : six jeunes diplomés de la carrière de Sciences Environnementales de l’Université Nationale Autonome du Mexique.

Les activistes locaux ont été relâchés samedi même, contrairement aux membres de la Caravane Mésoaméricaine, détenus sans accusation officielle, en un lieu gardé secret pendant tout le weekend, jusqu’à leur expulsion du territoire la nuit du 27 au 28 juin dernier.

Le projet de canal transocéanique est sans doute une des questions les plus clivantes de la politique nicaraguayenne contemporaine. Le projet, approuvé par l’Assemblée nationale en juin 2013 dans la plus grande opacité, fut confié à l’entreprise privée Hong Kong Nicaragua Canal Group (HKNC), devant faire face à des problématiques de financement à hauteur de 50 milliards de dollars, au possible manque d’eau pour faire fonctionner le canal, et surtout, à l’opposition farouche des communautés locales qui se verraient dépossédées des terres qu’elles cultivent pour nourrir leurs familles.

L’actualité du projet est aujourd’hui devenue nécessaire pour assurer les retours politiques nécessaires pour légitimer le pouvoir de Ortega à l’approche de l’échéance électorale de novembre, et c’est dans ce contexte que l’arrestation des jeunes écologistes fut présentée par le gouvernement comme une action visant à sauvegarder la souveraineté nationale face à l’ingérence d’étrangers. Ainsi, le canal est devenu aux yeux du président Ortega, le vecteur de construction de la nation, et le communautarisme des populations indigènes qui y sont opposées, une problématique nationale. Cet événement vient s’inscrire dans un historique de faits assez alarmants et qui reflètent la dégradation des relations diplomatiques du Nicaragua avec ses voisins. Le 14 juin dernier, fut expulsé également le politologue états-unien Evan Ellis, dont le projet de recherche portait sur le canal.

Roger MAUVOIS