Avec son dernier film Truman, Cesc Gay a obtenu moult nominations et récompenses dans plusieurs festivals mondiaux. La recette ? Un film optimiste qui évite le mélodrame en abordant des sujets forts de manière drôle et touchante à la fois.
Julián habite Madrid. Acteur, il y vit seul avec Truman, son fidèle chien, un magnifique et débonnaire bouledogue. Il reçoit la visite inattendue de son ami Tomás, un professeur d’université d’origine argentine, désormais installé au Canada. On le devine rapidement, ces deux‐là sont liés par une très forte amitié. Cela tombe bien car ils vont partager quatre jours d’émotions très intenses. En effet, Julián est atteint d’un cancer et doit donc régler quelques « affaires personnelles » avant de partir « pour un long voyage ». Cesc Gay, le réalisateur, indiquait : « Il y a quelques années, j’ai été confronté à la perte d’un ami très cher et j’ai alors commencé à écrire, une sorte de thérapie en somme. J’étais fasciné par la réaction des gens avant la mort, en même temps j’y voyais beaucoup d’humour dans certaines situations ».
Pourtant, Truman n’est pas du tout un film sur la mort, au contraire c’est avant tout une histoire poignante et pleine d’humour sur l’amour, l’amitié, le voyage, la paternité, la vie et l’acceptation de la mort. L’interprétation des trois acteurs, Ricardo Darín (Julián) et Javier Cámara (Tomás), omniprésents tout au long du film (avec bien sûr Truman, un chien au regard très profond et très triste !), ainsi que Dolores Fonzi (Paula, la cousine de Julián, remarquée dans Paulina), est remarquable. Ils sont surtout superbement dirigés par le barcelonais Cesc Gay qui fait preuve, une fois de plus, d’une très grande maîtrise dans la direction d’acteurs. « Je sentais qu’il fallait qu’il y ait un équilibre entre les scènes : les scènes avec le fils, la scène de sexe, qui est libératrice pour Julián, et les séquences plus sombres qui viennent après… Il fallait que le film contienne tous les ingrédients, et que nous dosions ceux-là avec soin ».
Tout est raconté avec beaucoup de justesse et d’élégance. Le film est interprété par un duo de deux merveilleux acteurs, Ricardo Darín (vu dans Les Nouveaux sauvages (2014), El Chino (2011), Dans ses yeux (2009) et bien d’autres bons films) et Javier Cámara vu surtout dans les films d’Almodóvar, comme Les amants passagers (2013), La mauvaise éducation (2004), ou Parle avec elle (2002). Il ont remporté ex aequo le prix d’interprétation au festival de San Sebastian et le film a obtenu cinq Goyas en Espagne dont celui du meilleur film. En salle ce mercredi 6 juillet !
Alain LIATARD
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Absence, beau film brésilien de Chico Teixeira
C’est le second film de Chico Teixeira après A casa de Alice (2007). Il était économiste de formation et Absence a obtenu de nombreux prix dont le Prix Coup de cœur au festival Cinelatino de Toulouse en 2015. Absence est en salle dès le 13 juillet !
On remarquera que le cinéma latino s’intéresse beaucoup à l’enfance et son passage à l’adolescence, comme le très beau film cubain Chala, une enfance cubaine. Mais là nous sommes au Brésil. À 14 ans, Serginho se doit d’être l’énergie vitale du foyer familial quitté par son père et délaissé par une mère déprimée. Alors qu’il n’a pas encore vécu son adolescence et dans un contexte socio-économique difficile, il doit, seul, assumer des responsabilités d’adulte. Le manque d’entourage affectif familial, entremêlé à l’impossibilité de vivre la quête de soi, crée en lui une confusion sur ce qu’il est. Sans comprendre ses propres désirs, il cherche à combler ses carences dans la figure de son professeur.
« L’adolescence est une étape si difficile … déclare le réalisateur. Le passage de la vie de l’enfance à la vie adulte, on ne sait pas très bien comment se comporter. En même temps, c’est un très beau stade, plein d’espoir. C’est ce dont je voulais parler, peut-être parce que ça me rappelle à quel point j’étais perdu à cet âge. Ce garçon, Serginho, a grandi trop vite parce que la vie le lui a imposé. Mais même ainsi, il a ses soupapes d’échappement. Quand il va au cirque, nous nous rendons compte de l’âge qu’il a.
Je voulais faire un film abordable à toute personne. Mais la proximité que je cherche est émotive, interne. Pas une proximité allégorique à travers de grands projets. Je ne pense pas que mon film est adapté pour ceux qui veulent s’amuser. Les gens sont sortis très calmes des projections, très silencieux, et je pense que c’est agréable de voir ça. »
Sans misérabilisme et avec le regard attentif d’un documentariste, Chico Teixeira dissèque les liens d’une famille qui se défait petit à petit. Le spectateur a presque la sensation de pouvoir toucher, de vivre le drame qui se déroule devant lui. Mais ce réalisme va aussi avec une qualité d’image et d’interprétation tout en retenue.
Alain LIATARD
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