Le nouveau gouvernement brésilien de Michel Temer : la corruption au pouvoir ?

Le gouvernement du président temporaire Michel Temer comprend des hommes d’affaires et des politiciens mis en examen dans le scandale Petrobras. Le retour par la bande d’une droite qui n’a plus gagné d’élections depuis 2002.

Le système politique brésilien ne pouvant fonctionner que par coalitions, la présidente Dilma Rousseff, élue pour un second mandat en 2014 avec 51,6 % des voix (comme le président Hollande), se devait de trouver un allié pour pouvoir gouverner avec une majorité au Congrès. Elle choisit le PMDB (Parti du mouvement démocratique brésilien, centre droite) et son chef Michel Temer comme vice-président, le Congrès élisant Eduardo Cunha, du même parti, président de la Chambre des députés.

Origine de la destitution de la présidente Rousseff

Des chefs d’entreprises privées du BTP (Bâtiments et travaux publics) sont mis en examen ou incarcérés pour avoir « arrosé » des politiciens pour financer leurs campagnes électorales et des  responsables de l’entreprise publique Pétrole du Brésil dans le but d’obtenir des contrats exclusifs de grands chantiers. Tous les grands partis ont bénéficié de ces largesses bien que la « grande » presse ne s’attaque qu’au PT (Parti des travailleurs, centre gauche). Accusé d’avoir caché des millions de dollars en Suisse,  le président PMDB de la Chambre des députés Eduardo Cunha « jure que c’est faux » ; immédiatement démenti par la banque suisse dans laquelle il a effectivement déposé 4 millions de dollars issus de la corruption de Petrobras, il demande le soutien de la présidente Dilma Rousseff pour éviter la destitution et un procès. Celle-ci refusant de le défendre, il la menace d’accepter une demande de destitution contre elle déposée par deux députés pour « maquillage des comptes publics en période électorale » en 2014. Dilma Rousseff refusant de coopérer dans cette corruption, Cunha met sa menace à exécution fin 2015. Il sera quand même démis de ses fonctions par la justice pour corruption, évasion d’impôts et blanchiment d’argent, mais la procédure contre la présidente est lancée.

Le vice-président Temer : l’opportunisme en action

Le droite brésilienne, battue quatre fois d’affilée aux élections présidentielles, sent le vent tourner en sa faveur : le procès en destitution est l’occasion pour elle de pouvoir écarter la présidente et le PT et prendre un pouvoir qu’elle ne parvient pas à gagner par les urnes. Le PMDB et d’autres partis membres de la coalition gouvernementale mais peu sollicités  par la présidente, quittent celle-ci et rejoignent les rangs du courant pro-destitution. La procédure aboutira à la mise à l’écart de la présidente en mai dernier pour lui faire un procès politique. Pendant les 180 jours que durera ce procès, Dilma Rousseff sera remplacée par le vice-président Michel Temer, chef du PMDB. Si, au terme du procès (en septembre vraisemblablement), Dilma Rousseff est destituée, il deviendra président jusqu’en 2019. Temer est non seulement très peu populaire (les sondages lui donnent 2 % d’approbation) mais il est lui-même mis en examen pour corruption par la justice. En effet, en tant que vice-président, il a signé les mêmes décrets que ceux pour lesquels Rousseff encourt un procès politique !

La grande hypocrisie

La présidente Dilma Rousseff a été écartée de son mandat par plusieurs votes successifs, d’abord des députés ensuite des sénateurs. L’hypocrisie magistrale de cette situation est que des dizaines de ses accusateurs sont eux-mêmes mis en examen pour corruption dans le scandale Petrobras et que l’accusation contre la présidente concerne une procédure que tous les présidents brésiliens ont utilisée avant elle sans être inquiétés ! Les accusations sont éminemment politiques et la présidente dénonce un coup d’Etat institutionel.

Un gouvernement de technocrates corrompus ?

Le gouvernement Temer est caractéristique d’un clair retour à la droite conservatrice. Les 22 ministres sont tous des hommes, blancs et riches. Les ministère de la Culture et  Secrétariats d’État des Droits humains, de l’Égalité raciale et des Femmes disparaissent. Un des plus grands producteurs de soja du continent, Blairo Maggi, devient ministre de l’Agriculture. Le nouveau ministre Alexandre de Moraes a été l’avocat de Eduardo Cunha, l’homme qui avait nié ses dollars en Suisse, et adepte de l’envoi de militaires en armes pour contrer les manifestations des étudiants du secondaire. Le nouveau responsable de la Sécurité nationale est un général d’armée. Le ministre du Travail est pasteur d’une secte évangélique. José Serra, du PSDB, deux fois perdant des élections devant le PT, devient ministre des Affaires Étrangères. Temer annonce des coupes importantes des dépenses publiques. On sait qu’il vise particulièrement les programmes sociaux créés par Lula et poursuivis par Rousseff. Bref, le programme du nouveau gouvernement n’a plus rien à voir avec le programme pour lequel les gens avaient oté en 2014. Les journaux ont préféré oublier qu’un tiers des ministres sont sous enquête judiciaire pour corruption.

Prochaine étape : faire tomber Lula ?

En cas d’élections présidentielles aujourd’hui, tous les sondages donnent Lula gagnant, un cauchemar pour la droite. Les politiques sociales de l’ancien président ont sorti 40 millions de personnes de la pauvreté et elles ne veulent pas y retourner. C’est ce qu’elles craignent d’un gouvernement de droite. La coalition politico-médiatico-judiciaire de droite fera tout pour l’empêcher de se présenter en 2018. Tous les moyens seront bons…
Jac FORTON