Le 14 juillet 2016, le Mont Ventoux accueillera une nouvelle étape du tour de France, mais les viticulteurs ont découvert que le vin officiel de la Grande Boucle 2016 sera un vin chilien de l’entreprise chilienne Cono Sur, le “Bicicleta”, un Pinot noir.
En fait, ASO (Amaury Sport Organisation), qui organise le Tour de France, a passé un contrat il y a deux ans déjà avec la cave chilienne, et l’a renouvelé jusqu’en 2017. Cet accord existe donc depuis 2014 sur les étapes hors Hexagone de la compétition (Royaume Uni en 2014, Hollande et Belgique en 2015), et c’est ce renouvellement que les vignerons ont découvert, avec l’impression qu’on leur joue un mauvais tour. Ils se disent humiliés et appellent au blocage d’étapes de la Grande Boucle, en particulier dans le Ventoux.
Les viticulteurs sont appuyés par Max Raspail, conseiller départemental PS du Vaucluse et président de la communauté de communes de Ventoux Sud, qui considère que “ce choix est un pur scandale et ressemble à une provocation pour un territoire viticole comme le nôtre. On ne peut espérer franchir le Ventoux en servant du vin chilien au passage, c’est une aberration…”
Yves Favier, président de l’AOC Ventoux, se dit “consterné”. Pour lui aussi, faire la promotion d’un vin étranger sur la Grande Boucle (sur trois étapes seulement, à l’étranger, Ndlr) n’est rien d’autre qu’une aberration. Au-delà de son indignation patriotique, il ajoute que “le commentaire des étapes à la télé s’attarde beaucoup sur le patrimoine des régions traversées. Et l’organisation, au travers des collectivités, a besoin du financement des contribuables français, dont, jusqu’à preuve du contraire, le monde viticole fait partie. D’un point de vue symbolique, faire boire du vin chilien dans la caravane du Tour un 14 juillet de fête nationale, quand les coureurs franchiront la ligne d’arrivée de la 12ème étape au sommet du géant de Provence, est une incongruité qui interroge. Nous ignorons à combien se monte le ticket d’entrée, mais ce jour-là nous aurions volontiers fait l’effort de fournir le vin”. Ceci dit, il n’envisage pas de mettre des tracteurs en travers de la route, “pour ne pas pénaliser le spectateur qui n’y est pour rien”, mais compte bien mobiliser les élus.
Le patron du Tour de France, Christian Prudhomme, tente de calmer la colère des viticulteurs tricolores, et précise “qu’il n’y a aucune difficulté pour que la société du Tour de France permette aux vignerons et aux coopératives de mettre en avant leurs produits”. Concrètement, les viticulteurs pourraient venir aux villages “départ” et “arrivée” de chaque étape du Tour, la seule limite étant de ne pas faire de publicité dans la caravane pour respecter la loi Evin.
Comme le rappelle Isabelle Gibier du service de communication d’Inter-Rhône, organisme interprofessionnel regroupant l’ensemble de la filière viti-vinicole (viticulture et négoce) des AOC de la vallée du Rhône, “des véhicules de la caravane étaient ornés de bouteilles d’une cuvée du négociant chilien, mais en application de la loi Evin , les images ont été diffusées dans d’autres pays que la France (images floutées), et les véhicules n’ont pas fait partie de la caravane sur le parcours français. Une marque française peut aussi être partenaire du Tour, mais pour les étapes situées hors de France. La loi Evin qui s’applique en France interdit le parrainage d’événements sportifs aussi bien pour des marques françaises qu’étrangères sur le parcours hexagonal. Le partenariat conclu avec les vins chiliens reste donc dans le cadre légal”. Les vignerons restent sur leur garde, mais le président du syndicat des vignerons de l’Aude, Frédéric Rouanet, tout aussi indigné, a déclaré : “c’est une première ouverture, nous attendons la venue de Christian Prudhomme le 10 mai dans l’Aude pour connaître le détail de ses propositions. Nous voulons aussi discuter des conditions du nouvel appel d’offres après 2017 pour les étapes hors de France”.
Catherine TRAULLÉ