Le samedi 21 février prochain, les Boliviens iront voter afin de décider si Evo Morales pourra se présenter une nouvelle fois à la présidence de la Bolivie en 2019. Alors qu’une mobilisation s’était tenue à La Paz le 22 décembre dernier pour appeler à voter “non” au référendum, cette modification de la Constitution permettrait à l’actuel président de postuler pour un quatrième mandat et serait autorisé, si tel est le souhait des Boliviens, à gouverner pendant vingt années consécutives.
En 2016, Evo Morales fête ses dix ans au pouvoir. Ancien syndicaliste paysan, il a été élu la première fois en 2006, devenant alors le premier président indigène de l’histoire du pays. Trois ans plus tard, après avoir réformé la Constitution en transformant l’État bolivien en État plurinational, il se présente de nouveau à la présidence, qu’il obtient facilement. Hormis le fait que cette Constitution, qu’il avait lui-même instituée, ne permettait pas plus d’une réélection présidentielle, il est autorisé à se re-présenter en 2014 grâce à une décision du Tribunal constitutionnel. Le Tribunal Constitutionnel avait en effet reconnu que son premier mandat n’avait pas été mené à son terme et qu’il s’était déroulé sous la première constitution.
Un an plus tard, en 2015, Evo Morales demande une nouvelle révision de la Constitution permettant au chef d’état d’être élu deux fois consécutives. La raison qu’il avait évoquée pour expliquer cette demande était celle de son agenda patriotique, qu’il tenait à respecter pour 2025. Cet agenda s’était donné pour ambition de parvenir, pour le bi-centenaire de l’indépendance du pays, à mettre fin à l’extrême pauvreté en Bolivie et à assurer l’accès pour tous aux services basiques, tels l’électricité, l’eau potable et les services d’assainissement.
Evo Morales et ses partisans insistaient alors sur la nécessité d’enrayer la pauvreté et les inégalités qui persistent en Bolivie, objectifs qui ne pourraient être accomplis que grâce à une nouvelle élection du chef de l’état actuel et au respect de l’agenda qu’il avait rédigé. Il s’agit là d’une stratégie politique bien pensée : qui mieux qu’Evo Morales, au pouvoir depuis 10 ans, pourrait en effet répondre aux attentes de la Bolivie, toujours incomplètement satisfaite ?
Evo Morales, l’irremplaçable ?
Si les boliviens se prononcent positivement sur cette modification de la constitution, Evo Morales pourra se présenter aux prochaines élections présidentielles qui auront lieu en 2019. Evo Morales compte bien sûr sur sa popularité pour y arriver. Il est en effet l’un des rares chefs d’état latino-américains à atteindre des taux de popularité élevés et à avoir été réélu trois fois. Avec son homologue équatorien, Rafael Correa, Evo Morales représente l’un des derniers leaders de la gauche en Amérique latine à bénéficier d’une telle aura. Comme il l’expliquait dans une interview au journal El País en octobre dernier, sa popularité serait due à la confiance qu’il inspire aux boliviens et à la faculté qu’il possède de créer du consensus et de l’amitié.
Evo Morales exerce actuellement la plus longue présidence de l’histoire de la Bolivie et compte bien sur sa notoriété pour que les choses perdurent. Dans son discours prononcé en commémoration de ses dix années passées à la tête de la Bolivie, Evo Morales a d’ailleurs insisté sur la réussite du travail qu’il a pu honorer au cours de ses mandats et s’est défini comme un président au travail, concerné par les problèmes des boliviens.
Les dessous d’une réélection
En proposant ce référendum à trois ans des prochaines élections présidentielles, Evo Morales entend resserrer l’opinion populaire autour de lui, en vue de la période économique difficile qui attend la Bolivie. Il prévoit en effet une chute des matières premières boliviennes sur les marchés mondiaux, qui l’amèneront sans doute à prendre des mesures impopulaires pour maintenir l’économie de son pays.
La Bolivie est très dépendante de ses exportations de matières premières, notamment celles du gaz, et risque de souffrir de cette dévaluation, d’autant qu’en parallèle elle ne peut compter que sur de faibles gains de productivité. De fait, ce référendum se veut stratégique, il permettra au chef d’état de renforcer sa popularité, de marquer dans les esprits son caractère indispensable, avant le tournant difficile qui s’annonce pour la Bolivie.
Les critiques de l’opposition
Malgré son caractère irremplaçable, Evo Morales rencontre des opposants à sa réélection. En décembre dernier, lors d’un rassemblement à La Paz, des milliers de boliviens se sont écriés “Non à la tyrannie” ou encore “Evo, ça suffit” afin de montrer leur opposition à la réforme de la Constitution permettant à l’actuel président de se représenter à la tête de la Bolivie en toute légalité. Par ailleurs, plusieurs dissidents du parti au pouvoir ont manifesté, s’affirmant déçus par le chef de l’état dont ils pensent qu’il a trahi le peuple bolivien.
Des affaires de trafic d’influence, de clientélisme ou encore de corruption planent de manière néfaste sur le parti, bien que ses membres n’en soient pour le moment pas inquiétés. D’autres partis enfin, comme les partis traditionnels du centre et de la droite, ont rejoint ce front d’opposition qui entend voter “non” au prochain référendum. Plus que quelques jours, donc, avant que les boliviens se prononcent sur cette modification de la Constitution. Une chose est sûre, ce référendum s’annonce serré.
Mara KOLB