En 2016, trois pays d’Amérique latine votent pour l’élection présidentielle (le Pérou, la République dominicaine et le Nicaragua), et quatre (le Brésil, le Mexique, le Venezuela et le Chili) pour des élections nationales. Après une année 2015 marquée par des changements (au Guatemala, en Argentine et au Venezuela), la grande inconnue est de savoir si cette nouvelle dynamique va se confirmer dans l’année qui vient.
Par ailleurs, Evo Morales, président de la Bolivie se confronte en février à un référendum, pour que soit ratifiée la réforme constitutionnelle qui lui permettrait de se représenter en 2019. En République dominicaine, on prévoit la continuité plutôt que le changement, le président actuel, Danilo Medina, étant largement favori. Le sondage de l’institut Cies, par exemple, lui octroie 49 % d’intentions de vote. Au Nicaragua, le canal interocéanique, la stabilité économique, les investissements chinois, et le parti sandiniste que dirige Daniel Ortega, placent le président actuel en grand favori, et il ne devrait pas y avoir de changement non plus. Le Pérou est le seul pays où un changement est attendu, son parti au pouvoir n’ayant aucune chance d’atteindre le second tour, et les favoris sont les opposants Keiko Fujimori et Pedro Pablo Kuczynski. À vrai dire, le changement dans ce cas exprime une certaine forme de continuité puisque, depuis la chute d’Alberto Fujimori en 2000, aucun parti au pouvoir n’a réussi à se faire réélire, ce qui va se confirmer en 2016. En fait, l’année 2015 ressemble à un îlot de changement dans un océan de continuité.
En 2014, il y a eu des élections au Brésil, en Colombie, au Salvador et au Costa Rica. L’opposition n’a gagné qu’au Costa Rica, avec Luis Guillermo Solís. Cela n’a pas été le cas au Brésil, où Dilma Rousseff (PT, Parti des Travailleurs) a été réélue, ni en Uruguay avec la victoire du parti le Front Large de Tabaré Vázquez, ni au Salvador avec le FMLN (Front Farabundo Martí de Libération Nationale) de Salvador Sánchez Cerén, ni en Colombie, qui a reconduit Juan Manuel Santos.
Élection présidentielle au Pérou (Avril 2016)
Le président Ollanta Humala, dont le mandat de cinq ans se termine le 28 juillet 2016, a prévu des élections générales au Pérou le 10 avril 2016, pour élire le président de la République, les vice-présidents et les membres du congrès. Le deuxième tour, si nécessaire, aurait lieu dans les trente jours suivant la proclamation officielle des résultats, soit probablement entre fin mai et mi-juin. Le seul doute qui persiste est de savoir qui serait au second tour face à Keiko Fujimori, à laquelle les sondages attribuent 30 % d’intentions de vote. La bataille se fera entre l’ex-premier ministre Pablo Kuczynski, le mieux placé dans les sondages, suivi de près par César Acuña. Alan García, ex-président (1985-1990 et 2006-2011), se positionne derrière eux.
L’éditorialiste politique du journal La República, Augusto Álvarez Rodrich, écrit que “Keiko Fujimori est pratiquement sûre d’arriver au second tour, mais son adversaire reste incertain. Les sondages de GfK donnent 3 % à Alejandro Toledo, 9 % à Pedro Pablo Kuczynski, 7 % à César Acuña, et 6 % à Alan García. La lutte sera donc serrée, et tout peut arriver dans les cinq mois qu’il reste avant le premier tour”. Pendant les prochains mois, Keiko Fujimori va devoir s’exposer davantage, et elle sera la cible des critiques anti-fujimoristes. L’avenir d’Acuña dépendra quant à lui de son habileté à garder son avantage actuel dans les sondages, et à répondre aux critiques de ses adversaires.
Élection présidentielle en République Dominicaine (Mai 2016)
La République Dominicaine votera le 15 mai. Le président actuel, Danilo Medina, aspire à une réélection qui est pratiquement gagnée d’avance puisqu’il est très populaire et qu’il a réussi à former une grande coalition : il a été proclamé candidat à la présidentielle par le PLD (Parti de la Libération Dominicaine), le 30 août, ainsi que par le Parti des Travailleurs Dominicains (PTD), le PPC (Parti Populaire Chrétien), et le PAL (Parti d’Action Libérale). De plus, le PLD et le Parti Révolutionnaire Dominicain (PRD), partis historiquement d’opposition, ont conclu, le 7 septembre, une alliance électorale. Sous le nom de “Gouvernement partagé d’unité nationale”, le président du PRD, Miguel Vargas, s’est engagé à garantir la victoire de Medina, et la réalisation effective des programmes sur lesquels les deux partis se sont mis d’accord.
Danilo Medina est déjà accrédité de 50,0 % d’intentions de vote, alors que Luis Abinader obtient 39,9 %, selon l’institut de sondages Acción Ciudadana (ACCIONA). Si Medina triomphait, il aurait gouverné le pays pendant 8 ans, puisqu’il a été élu en 2012, et mettrait fin à l’hégémonie de son compagnon de parti, Leonel Fernández, qui a été au pouvoir de 1996 à 2000 et de 2004 à 2012, exceptée la période de 2000 à 2004. L’opposant le plus sérieux est Luis Abinader, désigné comme candidat à la présidence par le Parti Révolutionnaire Moderne (PRM) le 14 juin, par le Front Ample le 6 septembre, et par les Dominicains pour le Changement (DxC) le 9 août. Comme il est écrit dans le journal El Caribe, “ni Medina, ni Abinader n’ont le charisme d’un Leonel Fernández ou d’un Hipólito Mejía pour soulever les foules”.
Élection présidentielle au Nicaragua (Novembre 2016)
Elle est prévue le 6 novembre. Bien que le Front Sandiniste de Libération Nationale (LSLN) n’ait pas encore désigné son candidat, Daniel Ortega est le grand favori du parti, et il bénéficie d’un taux de popularité de 54 %, selon l’organisme de sondages CID Gallup. S’il est réélu, il sera à la tête du pays jusqu’en 2021, et deviendra ainsi le Président resté le plus longtemps au pouvoir depuis 1979, après qu’ait été renversé Anastasio Somoza, dernier représentant de la famille Somoza, qui a gouverné le pays pendant 45 ans.
Après seize années dans l’opposition, le leader sandiniste a été élu en 2006, puis réélu en 2011 grâce à une modification de la constitution qui l’empêchait de se représenter pour plusieurs mandats successifs. L’anti-sandinisme a pris note de ce qui est arrivé au Venezuela, où l’opposition unie a gagné les élections législatives. Ainsi, l’exemple vénézuélien a-t-il poussé les dissidents nicaraguayens du Mouvement rénovateur sandiniste (MRS, centre gauche), dirigé par Ana Vigil, à s’allier avec le Parti libéral indépendant, mené par Eduardo Montealegre, dans une Coalition nationale pour la démocratie, pour contrer Ortega.
Élections législatives au Brésil, au Mexique, au Chili et au Venezuela
Le 4 juin prochain auront lieu les élections de douze gouverneurs d’État du Mexique, qui siègent depuis 2010 : Aguascalientes, Carlos Lozano ; Zacatecas, Miguel Alonso ; Sinaloa, Mario López Valdés ; Tlaxcala, Mariano González ; Puebla, Rafael Moreno Valle ; Hidalgo, Francisco Olvera ; Oaxaca, Gabino Cué ; Quintana Roo, Roberto Borge ; Tamaulipas, Egidio Torre Cantú ; Chihuahua, César Duarte, Veracruz y Durango Jorge Herrera. Pour Puebla et Veracruz, le gouverneur sera élu pour deux ans. Ces élections sont importantes pour évaluer les positions du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel), du PAN (Parti d’Action Nationale), du PRD (Parti de la Révolution Démocratique), et de MORENA (Mouvement de Régénération Nationale d’Andrés Manuel Lopez Obrador, le candidat malheureux aux présidentielles de 2006 et 2012). Et pour éventuellement voir apparaître de nouveaux candidats outsiders, comme le fut “El Bronco”. Elles seront donc un test avant les élections présidentielles de 2018.
Pascal Beltrán del Río écrit dans le journal Excelsior que si “le PRI gagne neuf des treize postes en jeu en 2016, il aura fait un grand pas vers sa possible victoire aux présidentielles de 2018. Pourquoi? Parce que les statistiques électorales récentes montrent que lorsque le PRI est largement majoritaire à la gouvernance d’État, son score augmente en moyenne de 3 %”. Le Brésil, le Chili et le Venezuela vont également vivre des élections nationales. Au Chili, la survie de la coalition officielle (Nouvelle Majorité) est en jeu dans les municipales, ainsi que les équilibres internes entre l’axe socialiste et l’axe de la démocratie chrétienne. Au Venezuela, l’opposition anti-chaviste, la Mesa de Unidad Democrática, tentera de confirmer son succès aux législatives. Et au Brésil, le rendez-vous électoral permettra de prendre la mesure du déclin du PT (Parti des Travailleurs) et de la présidente Dilma Rousseff.
Traduit par
Catherine Traullé