Un jeune latino-américain sur cinq ni n’étudie, ni ne travaille, soit un total de plus de vingt millions de personnes, chiffre qui a augmenté ces dernières années. Ce phénomène pèse sur l’expansion économique et l’augmentation de la grande pauvreté, et menace d’accroître encore les inégalités sociales d’un continent déjà connu comme étant le plus inégal du monde, selon un rapport de la Banque Mondiale.
Le phénomène “ninis” touche 22 % des jeunes en Amérique latine selon la Cepal (Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes). Le taux de chômage en Amérique latine atteint 6,2 % en 2015. Ceux que l’on appelle les “ninis”, âgés de 15 à 24 ans, qui sont issus en grande majorité de familles pauvres, sont dans un cercle vicieux de foyers désunis, d’échec scolaire, et d’impossibilité d’accès au marché du travail, ce qui peut amener à la délinquance, souligne le rapport présenté récemment à Washington : “L’effet “ninis” pénalise l’économie par une moindre productivité salariale, mais il affecte aussi l’inégalité sociale. Le fait que les “ninis” soient en majorité issus de familles pauvres et vulnérables aggrave les inégalités existantes, entrave la mobilité sociale et empêche la réduction de la pauvreté à long terme”, est-il écrit dans le rapport.
L’étude indique que dans les prochaines vingt années, l’Amérique latine aura atteint la proportion maximale de population en âge de travailler, et propose une politique pour “la première enfance” et “des interventions socio-affectives” pour promouvoir les valeurs de l’éducation à l’école, et ainsi freiner la croissance des “ninis”. “Si nous donnons à nos jeunes les outils nécessaires pour être productifs et si nous leur offrons des opportunités de travail, le pays ne pourra qu’en tirer profit”, déclare à Reuters Rafael de Hoyos, co-auteur de l’étude.
Le profil typique d’un “nini” latino-américain est une jeune femme qui n’a pas terminé l’école secondaire et vit dans un foyer urbain dit vulnérable. Mais les chiffres montrent que les quelques opportunités de travail offertes sont toutes prises par des femmes. Le fait que le pourcentage de “ninis” ait sensiblement baissé depuis la prospérité économique, mais que leur nombre continue à augmenter, “montre que le marché du travail est incapable d’absorber les jeunes qui arrivent”, analyse l’économiste.
Pour les auteurs, les incitations financières comme les “transferts monétaires conditionnels” — bourses au mérite et remboursements différés, entre autres — et les programmes de prévention des grossesses à l’adolescence sont des aides qui peuvent contribuer à freiner le phénomène. “Les pays qui offrent un enseignement de qualité à une population jeune en pleine expansion, et qui proposent un marché du travail dynamique pourront avoir une bonne croissance, et diminuer leur taux de pauvreté rapidement”, exprime Jorge Familiar, vice-président de la Banque Mondiale pour l’Amérique latine et les Caraïbes, dans un communiqué pour la diffusion du rapport.
Traduit par
Catherine TRAULLÉ