En avant-première de l’exposition qui lui est consacrée à la galerie Bleu du Ciel dans le quartier de la Croix Rousse à Lyon (du 28 janvier au 26 mars 2016), Valérie Jouve présentera son travail à la bibliothèque de la Part-Dieu, lors d’une conférence ce vendredi 22 janvier à 18h30 (1). Retour sur sa carrière de photographe, de cinéaste et sur l’histoire de Blues, son œuvre présentée au Jeu de Paume durant l’été 2015.
Valérie Jouve, née à Saint-Étienne, entame d’abord une formation d’anthropologue. Lors de ses recherches sur la deuxième génération issue de l’immigration au sein du quartier de la Mulatière et aux Minguettes de Vénissieux, elle photographie les sujets de sa recherche pour illustrer son mémoire. Elle les montre “hors cadres”, dans toutes leurs singularités, dépassant alors le simple cadre social pour renvoyer à un autre imaginaire : “la puissance de la figure tient à la singularité de sa présence, de sa manière d’être, indépendamment de son statut ou de son origine” (2) comme l’explique Valérie Jouve.
C’est à partir de là qu’elle s’oriente vers des études de photographie au sein de l’École Supérieure de Photographie d’Arles. L’anthropologie reste présente dans ses premiers travaux et elle entreprend sa carrière de l’image en la pensant comme un complément des sciences humaines. Elle oscille entre documentaire et œuvre, sociologie et art contemporain. La nouvelle photographe est alors désignée comme une artiste de cette nouvelle génération française qui rejette le reportage humaniste sans pour autant s’éloigner totalement de ses grands préceptes : Valérie Jouve donne à voir l’homme et sa ville, le lien presque viscéral qu’il peut exister entre l’homme et l’architecture, d’une manière chorégraphique, comme dans son œuvre Blues.
Valérie Jouve et l’Amérique latine : la genèse de “Blues”
En 2015, Valérie Jouve accède à la consécration ultime dans le monde de la photographie et de l’image : Marta Gili l’invite à exposer au Jeu De Paume à Paris. L’exposition est intitulée “Corps en résistance” et propose au public de découvrir l’ensemble du travail de l’artiste pendant l’été.
Parmi ces œuvres, l’installation Blues, commanditée spécialement par le Jeu De Paume pour cet événement, soutenue par CO Producciones de Barcelone et la galerie Xippas à Paris. Elle est présentée dans la pénombre et rassemble cinq séquences de films, accompagnées de textes ainsi que d’enregistrements sonores. Tous ces éléments évoquent le lac Atitlán au Guatemala et montrent la vie urbaine qui s’y développe au détriment du patrimoine maya de la région.
L’œuvre a été réalisée autour d’une figure centrale, qui est elle aussi liée à l’Amérique latine puisqu’il s’agit de Tania Carl, chanteuse de blues, partie de France pour venir s’installer au Guatemala. La chanteuse erre autour du lac, en colère contre une réalité, celle des populations mayas qui sont méprisées par les gringos qui débarquent et exploitent le sol sans vergogne.
Si Valérie Jouve a choisi ce personnage, c’est aussi parce que “le blues est une musique de résistance, qui ne verse pas dans le misérabilisme. Depuis toujours, mon travail tente de donner la parole à ceux dont la voix a été chassée de la place publique. Ici, et c’est nouveau, j’ai convoqué les mots… Pour m’aider à résister davantage encore” (3). Résister contre le pouvoir abusif qui peut être exercé par des pays ou des hommes sur d’autres, une problématique toujours d’actualité, en Amérique latine comme ailleurs.
Victoria PASCUAL
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Site de la Part Dieu
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Entretien avec Marta Gili et Pia Viewing, dans le dossier de presse de la galerie Bleu du Ciel.
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Télérama : le monde sans légende de Valérie Jouve, du 20 juin 2015, par Frédérique Chapuis.