Depuis ses origines la radio a toujours joué un rôle essentiel en Amérique latine. Mais c’est d’abord une innovation technologique extraordinaire qui se trouve plongée aujourd’hui, à l’ère du numérique, dans une convergence inédite entre différents médias. Dans ce contexte évolutif et toujours créatif, la Radio universitária FM 107,9 [1] de Fortaleza se présente comme une voie d’interlocution constante entre le monde et l’université.
La radio au Brésil fait ses débuts à la même époque qu’en France, quelques expériences ayant précédé l’envol de l’aventure des ondes hertziennes dans les années 1920, quand les premières autorisations sont obtenues et les premières émissions certifiées sont mises à l’antenne. En 1922 a lieu la première radiodiffusion officielle au Brésil. L’implantation et l’expansion de la radiophonie dureront jusqu’à la fin des années 1930, l’âge d’or de la radio au Brésil étant considéré comme la période entre les années 1940 et 1950. Elle passe ensuite par des moments de crise, dus surtout à la création de la télévision et au contrôle extrême de la censure pendant les années de dictature, de 1964 à 1984. À partir des années 1990, et en particulier depuis les années 2000, la radio se renouvelle en dialoguant avec les autres médias, notamment par le biais des réseaux sociaux.
Quel rôle peuvent jouer les radios universitaires dans ce nouvel environnement médiatique ? Elles demeurent plus que jamais l’un des fers de lance de l’extension universitaire telle qu’elle se définit et se pratique au Brésil [2], c’est-à-dire comme une composante inséparable de l’enseignement et de la recherche, destinée à rappeler à l’université son ancrage culturel et social et à entretenir un dialogue permanent avec le monde extérieur. L’interaction, la démocratisation et l’accessibilité aux savoirs sont quelques-uns des principes fondateurs de la Rádio Universitária FM qui a toujours œuvré comme une plateforme de vulgarisation de la culture savante et qui assume aujourd’hui de nouvelles formes de dialogue avec son public grâce à la convergence médiatique, via internet, par le biais de sites ou de réseaux sociaux.
Inaugurée en 1981 avec pour devise “la Syntonie de la Terre” [3], la Rádio Universitária FM est le fruit d’un partenariat institutionnel entre l’Université Fédérale du Ceará (UFC) et la Fondation du Ceará pour la Recherche et la Culture [4] (FCPC). Depuis 2006 elle intègre le Centre de Divulgation en Radiodiffusion de Programmes en Extension (NUPROEX), réaffirmant ainsi sa mission “d’offrir à la société l’éducation non formelle et la production culturelle” de l’université. Elle joue par conséquent un rôle fondamental dans la diffusion des activités universitaires, mais aussi dans la promotion des savoirs et des créations artistiques et culturelles locales, nationales et internationales, en accord avec la devise de l’UFC : “l’universel par le régional [5]”. Au cours de son histoire, elle est devenue progressivement l’une des radios publiques les plus prestigieuses et les plus crédibles au Brésil, grâce à la qualité et à la diversité de ses programmes composés de musique, de contenus éducatifs et culturels et d’information.
Innovante dès sa fondation, en introduisant une importante programmation journalistique dans le FM, ce qui était alors réservé aux stations AM, la radio a su faire face à la censure pendant la dictature militaire et n’a cessé de renouveler depuis lors son engagement en faveur du radiojournalisme éthique et indépendant. Sur le plan musical, elle a construit son identité au début des années 1980, au moment où les radios commerciales réservaient leurs émissions aux chansons internationales, quasi exclusivement originaires des États-Unis, en choisissant de mettre en relief, à contre-courant, les compositions brésiliennes et, ce qui était encore plus inusité, les chansons des artistes de la région Nordeste et de l’état du Ceará. Aujourd’hui, même si d’autres radios publiques et privées se sont relativement ouvertes aux productions nationales, la Rádio Universitária FM demeure toujours la référence la plus importante et l’espace le plus démocratique pour les artistes locaux et régionaux dans toute sa programmation, spécialement dans des émissions comme “Pessoal do Ceará” [6] et “Reouvindo o Nordeste” [7].
Deux autres émissions hebdomadaires, diffusées en direct, permettent de saisir la dynamique de l’extension universitaire. Il s’agit de Sem Fronteiras : Plural pela Paz (Sans Frontières : Pluriel pour la Paix) [8] et Todos os Sentidos (Tous les Sens) [9]. La première émission cible, depuis 1998, la pluralité de l’humanité dans sa diversité de langues, de peuples et de cultures ; la deuxième, à l’antenne depuis 2003, porte à l’antenne la voix des gens en situation de handicap. Ceux-ci prennent eux-mêmes librement la parole et sont présentés comme des citoyens et des citoyennes à part entière. On ne prétend pas en faire des héros ni susciter la pitié des auditeurs comme le font certains médias obnubilés par leurs taux d’audience, mais seulement mettre en œuvre ces revendications sensées du Mouvement des Personnes en Situation de Handicap : “rien à propos de nous sans nous”. Pour l’équipe de l’émission Sans Frontières ce qui importe c’est aussi le dialogue interculturel comme en atteste l’expérience de coproduction en duplex menée depuis 2014 avec l’émission lyonnaise Échos d’Amérique latine de Radio Pluriel[ 10].
Ces deux émissions de la Rádio Universitária FM sont structurées autour d’une conversation-interview avec un(e) invité(e) ou des invité(e)s, de divulgations d’activités culturelles, artistiques et scientifiques ainsi que de lectures de poèmes et d’écoute de chansons. Le travail de production et de recherche, encadré par l’enseignant-chercheur qui en est responsable, compte sur la participation d’étudiants de journalisme, de publicité, de sciences de l’éducation, de musique ou de lettres. Ces élèves réalisent à travers les deux programmes, une partie essentielle de leur formation académique, de leurs recherches et de leur pratique radiophonique – répondant donc de façon concrète au principe constitutionnel au Brésil de “l’indissociabilité entre enseignement, recherche et extension”. Les auditeurs participent par téléphone, par e-mail, à travers les réseaux sociaux, en particulier via les Fan Pages [11], ou en personne, en suggérant des thèmes à aborder, en envoyant des poèmes, en demandant des chansons et en proposant des questions pour les invité(e)s. La Radio Universitaire de Fortaleza est publique et bénéficie d’une réelle liberté éditoriale, ce qui permet à l’équipe de production de faire de chacun de ces projets d’extension universitaire un espace poétique-radiophonique où la parole est libre, où les poèmes et les chansons dialoguent avec le thème abordé, où les émotions et les sentiments peuvent être exprimés, où le savoir quel qu’il soit est partagé de manière éthique et démocratique.
Henrique Sérgio BELTRÃO DE CASTRO
en collaboration avec
Enrique Sánchez Albarracín