“L’étreinte du serpent”, du Colombien Ciro Guerra

Ce film raconte l’histoire du premier contact, de la rencontre, et, au final, d’une amitié exceptionnelle entre un chaman amazonien, dernier survivant de son peuple, et deux scientifiques qui, pendant plus de 40 ans, ont été les premiers hommes à explorer la partie nord-ouest de l’Amazonie à la recherche de savoirs ancestraux. Le récit s’est inspiré des journaux des premiers explorateurs de l’Amazonie colombienne, l’ethnologue allemand Theodor Koch-Grünberg et le biologiste américain Richard Evans Schultes.

Des dizaines d’années de solitude ont fait de Karamakate, un chaman amazonien puissant, vivant isolé dans les profondeurs de la jungle, un chullachaqui, un humain dépourvu de souvenirs et d’émotions. Sa vie est bouleversée par l’arrivée d’Evans, un ethnobotaniste américain à la recherche de la yakruna, une plante sacrée très puissante, possédant la vertu d’apprendre à rêver. Ils entreprennent ensemble un voyage jusqu’au cœur de la forêt Amazonienne au cours duquel, passé, présent et futur se confondent, et qui permettra à Karamakate de retrouver peu à peu ses souvenirs perdus.

“Quand je regardais une carte de mon pays, je ressentais un profond sentiment de désarroi. La moitié du territoire était une terre inconnue, un océan vert dont je ne savais rien. L’Amazonie, ce territoire insondable que l’on réduit bêtement à de simples concepts. La cocaïne, la drogue, les Indiens, les rivières, la guerre. Cet immense espace ne comprend vraiment rien d’autre ? Pas de culture, pas d’histoire ? Aucune âme pour transcender cela ? Les explorateurs m’ont fait comprendre ce que l’on ne pouvait pas même imaginer. Ils ont établi le premier contact, alors que sévissait l’un des plus terribles holocaustes que l’homme n’ait jamais connu. Les explorateurs ont raconté leur histoire. Pas les Indiens. Voilà de quoi il s’agit. Une terre de la taille d’un continent qui reste à raconter. Ces hommes qui ont tout quitté, qui ont tout risqué, pour nous faire découvrir un monde qu’on n’a jamais montré par notre cinéma. Cette Amazonie-là a disparu. Mais le cinéma peut la faire revivre.”1

C’est donc caméra à la main que le réalisateur Ciro Guerra – né à Río de Oro (département de Cesar, Colombie) en 1981 – dont le second film Les Voyages du vent, avait été remarqué au Festival de Cannes 2009 – et son équipe se sont enfoncés au cœur de la forêt amazonienne, cette forêt qui héberge une riche variété de faune, de flore et de biodiversité, et a servi de refuge à des centaines de langues, de coutumes et à de nombreux groupes d’Indiens. L’étreinte du serpent, dont le tournage en noir et blanc, a duré sept semaines dans la jungle du Vaupés, s’avère être le premier film de fiction tourné en Amazonie depuis plus de 30 ans. “Nous avons dû, poursuit le réalisateur, acheminer par avion près de 8 tonnes de matériel. On avait l’impression de faire un voyage dans le temps, et que l’on était remontés à l’époque que l’on voulait dépeindre. Nous nous déplacions en canoës, en radeaux et dans des avions d’une autre époque (DC-3).” C’est également le premier film de fiction colombien ayant pour personnage principal un Indien, et le premier film raconté du point de vue des sociétés ancestrales, faisant le lien entre deux époques.

En voyant ces personnages hallucinés, comment ne pas penser aux films de Werner Herzog, Aguirre ou Fritzcarraldo. Mais ici par la magie d’un beau noir et blanc, et en prenant le point de vue des cultures indigènes aujourd’hui détruites pour la plupart, ce film propose une belle approche d’un paradis mystique disparu.

Alain LIATARD

1 D’après la note d’intention du réalisateur, à retrouver dans le dossier de presse.   Bande-annonce sur Allociné