Discours de clôture de François Hollande à la COP21 à Paris

Le bilan de la COP21, clôturée samedi dernier, s’avère plutôt mitigé selon les analystes, qui soulignent son succès diplomatique en dépit des nombreux défis climatiques qu’il reste à relever. Avec la participation active de 11 leurs dirigeants, les États d’Amérique latine ont réitéré, au cours de ce sommet mondial, leur engagement en faveur de la lutte globale contre le réchauffement climatique. Les différentes initiatives latino-américaines proposées représentent des exemples novateurs, cherchant à harmoniser les outils financiers et les principes de la responsabilité sociale et environnementale, en vue d’instaurer des politiques de lutte contre le dérèglement climatique, plus inclusives et efficaces, en tenant compte des réalités locales. À titre d’information, nous publions ici le discours prononcé par le président François Hollande au Bourget le samedi 12 décembre 2015, à l’occasion de la clôture de ce sommet mondial.

« Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies, cher Ban Ki-Moon, je sais quelle a été votre obstination pendant ces derniers mois pour que nous puissions nous réunir ici, à Paris, avec la possibilité d’un accord. Monsieur le Président de la Conférence, cher Laurent Fabius, vous avez tout au long de ces derniers mois – et encore davantage ces derniers jours – joué un rôle considérable pour rapprocher les points de vue et pour concilier parfois ce qui paraissait inconciliable. Mais c’est le sens-même d’un accord universel. Madame la Secrétaire exécutive, je sais ce que vous avez fait aussi pour que les délégués puissent pleinement jouer leur rôle, parce que vous étiez attachée à cette idée si belle que la communauté internationale peut agir. Mesdames, messieurs les délégués, vous avez beaucoup travaillé et je veux vous exprimer la gratitude de la France pour les discussions que vous avez menées ici, à Paris, jour et nuit et parfois plus la nuit que le jour, pour chercher l’accord qui n’avait pas été trouvé jusque-là.

Tous ces efforts doivent maintenant trouver leur conclusion, à quoi auraient servi ces temps partagés, ces initiatives multiples, ces volontés de tous les continents, à quoi aurait servi ce travail s’il ne débouchait pas sur un accord universel contraignant et différencié. Nous sommes maintenant au moment décisif, à la seule question qui vaille et à laquelle vous seuls pouvez apporter la réponse. Voulons-nous un accord ? Cet accord qui n’a pas pu, à Copenhague, être trouvé ; cette impasse qui, pendant des années, a été une immense déception pour tous ceux qui voulaient que la planète puisse avoir un avenir ; cette impasse qui a pu jeter le doute sur la capacité de la communauté internationale à agir. Eh bien, c’est vous, par les progrès que vous avez été capables d’accomplir ces derniers mois et, surtout, ces derniers jours, c’est vous et vous seuls qui avez la réponse !

Nous avons à faire le dernier pas, celui qui permet d’atteindre le but, le pas décisif. Le texte, qui a été préparé et qui vous est soumis, est à la fois ambitieux et réaliste. Il concilie la responsabilité et notamment celle des pays les plus riches ; et en même temps la différenciation. Il accorde aux plus vulnérables et aux pays en développement les moyens qui ont été promis. Il fixe des mécanismes de révision qui sont essentiels pour la crédibilité de l’accord. Ce texte sera, si vous en décidez, le premier accord universel de l’histoire des négociations climatiques. Vous allez faire un choix, un choix pour votre pays, un choix pour votre continent mais aussi un choix pour le monde. Ce sera un acte majeur pour l’humanité. C’est la raison pour laquelle, à ce stade de la négociation, à ce stade ultime de la Conférence, j’ai tenu à être avec vous.

Parce que je suis dépositaire – comme vous – du mandat qui a été confié par les 150 chefs d’État et de Gouvernement, qui sont venus au début de la Conférence pour porter l’engagement qu’il y aurait un accord à Paris. Mais également pour l’ambition, tenir l’objectif des deux degrés, tout faire même pour être à 1,5 degré, parce que c’est notre responsabilité, parce que c’est l’enjeu décisif, parce qu’un réchauffement qui irait au-delà pourrait gravement atteindre les équilibres de la planète. Pour y parvenir, nous avons fixé de nouveaux rendez-vous pour réviser les contributions nationales, pour revoir les engagements financiers. Comme l’a dit le Président de la COP, l’accord ne sera parfait pour personne si chacun le lit à la lumière de ses seuls intérêts. Mais il sera un succès pour tous parce que ce qui nous rassemble, c’est la planète elle-même.

Face au changement climatique, nos destins sont liés. Chacun a ses contraintes et je les connais. Mais la seule chose qui compte maintenant, c’est d’avoir raison ensemble. Toutes les exigences n’ont pas été satisfaites, toutes les revendications n’ont pas abouti, mais nous ne serons pas jugés sur un membre de phrase mais sur le texte dans son ensemble, nous ne serons pas jugés sur un mot mais sur un acte, pas sur un jour mais sur un siècle. Il en va donc de notre crédibilité collective et celle de la communauté internationale toute entière.

Mesdames et messieurs, la présence ici aujourd’hui de 196 délégations -vous êtes le monde après tant de mois de travail, est sans précédent dans l’histoire des discussions sur le climat. Un espoir considérable s’est levé. Le monde s’est mis en marche, pas seulement dans cette salle mais bien au-delà. Des actions immédiates ont été engagées par les collectivités locales, les citoyens, les chercheurs, les entreprises. Des coalitions se sont formées, des initiatives ont été prises dans tous les continents et je pense notamment sur les énergies renouvelables à ce qui a été fait pour l’Afrique, ce que l’Inde a porté. Je sais aussi combien nous nous sommes mobilisés sur le prix du carbone. Nous sommes donc capables d’assurer la lutte contre le réchauffement climatique et le développement.

Voilà ! L’Histoire arrive, l’Histoire est là, toutes les conditions sont réunies et elles ne le seront plus avant longtemps. Nous sommes, vous êtes sur la dernière marche, il faut se hisser encore à la hauteur de l’enjeu. Il n’y aura pas de report, il n’y aura pas de sursis possible, l’accord décisif pour la planète c’est maintenant. Et il ne tient qu’à vous, à vous seuls au nom de ce que vous représentez, l’ensemble des nations du monde, d’en décider. Le 12 décembre 2015 peut être un jour non seulement historique mais une grande date pour l’humanité. Le 12 décembre 2015 peut être un message de vie et je serai personnellement heureux, presque soulagé, j’en serai même fier que ce message-là soit lancé de Paris, parce que Paris a été meurtrie il y a tout juste un mois, jour pour jour.

Alors mesdames et messieurs, la France vous demande, la France vous conjure d’adopter le premier accord universel sur le climat de notre Histoire. Il est rare d’avoir dans une vie l’occasion de changer le monde, vous avez cette occasion-là, de changer le monde. Saisissez-la pour que vive la planète, vive l’Humanité et vive la vie ».

François HOLLANDE