L’Argentine a fait son choix : après plus d’une décennie de kirchnérisme, c’est le candidat libéral Mauricio Macri, représentant du parti “Propuesta Republicana”, qui assume la présidence du pays depuis la semaine dernière. Cet ancien homme d’affaires, élu maire de Buenos Aires en 2007, et parfois décrit comme un Berlusconi argentin, a ainsi battu le grand favori de ces élections présidentielles, Daniel Scioli, soutenu par la présidente sortante.
Libéral assumé, Mauricio Macri incarne une Argentine capitaliste désireuse de changements, économiques en particulier. Fils du capitaine d’industrie Franco Macri, ingénieur civil de formation, éduqué parmi les élites argentines et américaines à l’Université Catholique d’Argentine, Columbia et l’Université de Pennsylvanie, il débute en politique en 2003. En parallèle de son activité de président du mythique club de foot des Boca Juniors, il fonde cette année-là le parti Compromiso para el cambio (Engagement pour le changement) et est élu, deux ans plus tard, député fédéral. Il deviendra par la suite maire de Buenos Aires en 2007 sous l’égide de son nouveau parti : Propuesta Republicana (Proposition Républicaine).
Élu le 22 novembre dernier à la tête du pays, il a présenté, trois jours après sa victoire, les ministres qui composeront ce nouveau gouvernement. Patricia et Esteban Bullrich, Alfonso Prat-Gay, Guillermo Dietrich ou encore Juan José Aranguren : des noms associés aux élites financières et entrepreneuriales du pays, qui seront aux commandes des différents postes de la nation. Il s’agit donc, pour Macri, d’une volonté de composer un gouvernement de jeunes technocrates, pour la plupart issus de la grande bourgeoisie argentine et du secteur privé, qui permettra d’amorcer un virage à droite. Sa campagne Cambiemos (Changeons) passe alors la deuxième vitesse et se transforme en Cambiamos (Nous changeons), annonçant la levée des mesures protectionnistes mises en place par les précédents gouvernements. Il a également rappelé, lors de son discours d’investiture prononcé jeudi dernier, que ses objectifs ne sont toutefois pas uniquement économiques. Parmi ses priorités : éradiquer le narcotrafic et la corruption, et unir le peuple argentin.
Naissance d’un îlot libéral au sein du Cône Sud
Troisième puissance économique de la région, ce changement de cap devrait donc impliquer également des changements en termes de stratégie diplomatique. Le prochain sommet du Mercosur, qui se tiendra le 21 décembre prochain à Asunción au Paraguay, devrait en annoncer les premiers signes. En effet, bien que Macri ait confirmé qu’il n’invoquera pas la clause démocratique afin de suspendre les relations avec le Venezuela suite aux résultats des élections législatives, il risque de provoquer une rupture avec les relations précédemment entamées par les Kirchner. Tournant le dos aux grandes nations socialistes et communistes de la région telles que Cuba, le Venezuela, la Bolivie ou l’Équateur, le président souhaite se rapprocher dans les prochains mois de l’Alliance du Pacifique – composée par le Chili, le Pérou, la Colombie et le Mexique – afin de privilégier le commerce avec les États-Unis, la Chine et l’Union européenne.
Les effets de ce changement radical de pouvoir, d’une gauche péroniste à une droite libérale et conservatrice, restent cependant à nuancer. En effet, avec une victoire à 51,34 % des voix, Mauricio Macri ne disposera pas d’une majorité parlementaire et devra donc avancer sur un sol glissant en instaurant ces changements avec précaution s’il ne souhaite pas provoquer une fracture trop importante dans la société argentine, et éviter ainsi l’écueil de Sebastián Piñera, qui n’aura pas permis à la droite chilienne de rester au pouvoir pendant plus d’un mandat. Enfin, rappelons que Macri devra faire face à de nombreux détracteurs ; le prix Nobel de la paix, Adolfo Pérez Esquivel, a d’ailleurs accueilli l’arrivée du président au pouvoir par une lettre (publiée dans la newsletter du 9 décembre) lui rappelant les nombreux défis auxquels il devra faire face…
Lucie DUBOEUF