Adolfo Pérez Esquivel , prix Nobel de la Paix (1980) et président de la fondation Paz y Justicia en Argentine, a adressé une lettre à Mauricio Macri, récemment élu à la tête du gouvernement argentin.
Monsieur Mauricio Macri,
Veuillez agréer mes salutations les plus cordiales.
Je souhaite vous féliciter pour votre triomphe électoral par lequel le peuple vous a élu président de la nation. Faire face aux défis que représente la construction d’une démocratie est une grande responsabilité ; tout comme affronter les revendications d’une société qui cherche à renforcer sa participation organisée dans les décisions et choix politiques qui régissent sa vie. Elle reconnaît aussi, à travers l’intégration continentale et régionale en faveur des droits de l’Homme et des peuples, un horizon de valeurs et d’obligations indivisibles permettant de surmonter la pauvreté et la faim et de forger de nouveaux chemins vers le développement. Un développement qui doit protéger les biens et les ressources de nos peuples tout en respectant notre Terre Mère, sans pour autant signifier une croissance à tout prix : celui de l’exploitation, de la pollution et des inégalités.
L’Argentine a ouvert de nombreuses voies dans la jurisprudence nationale et internationale en matière de mémoire, de vérité et de justice, auxquelles nous ne renoncerons pas en tant que peuple, de même qu’aux autres droits acquis ces dernières années et qui devraient être approfondis. De plus, il reste des questions importantes en suspens que le nouveau gouvernement aura la responsabilité de traiter, comme le droit des peuples natifs d’Argentine, leur identité et leurs valeurs culturelles qui, bien que mentionnés par la Constitution Nationale, sont constamment bafoués. La lutte contre la corruption et le crime organisé exige des politiques globales ainsi que la construction de consensus politiques et sociaux qui respectent les droits et promeuvent l’intégration et le renforcement communautaires.
Dix ans après l’échec de la zone de libre-échange des Amériques (Ndt : Área de Libre Comercio de las Américas), l’Argentine ne peut mettre en danger ses marges de souveraineté en se soumettant à la prétendue liberté des nouveaux accords annoncés comme le Traité trans-Pacifique ou le TISA (Ntd : Trade in Services Agreement ou Accord sur le commerce des services). En matière d’endettement et de souveraineté financière non plus, ce n’est pas en cédant aux réclamations injustes des fonds vautours, ni en continuant à payer des dettes illégitimes et illégales sur le dos du peuple, que l’on réussira à asseoir les bases d’une économie forte et équitable. Bien au contraire. Aucun gouvernement argentin ne devrait assumer de nouvelles dettes sans en vérifier la légitimité.
Comme tout gouvernement né du mandat populaire, nous serons ouverts au dialogue depuis notre posture historique d’indépendance des partis et des gouvernements, tout en respectant les différences qui constituent la diversité démocratique. Nous croyons qu’à travers les politiques publiques, il est possible de construire de nouveaux paradigmes de vie au service de notre peuple.
Je vous renouvelle mes vœux tout comme à ceux qui vous accompagnent dans la conduite institutionnelle du pays, et vous souhaite de faire preuve de sagesse et d’espoir face aux défis que les hommes et femmes d’Argentine, que tous les habitants de notre patrie, devront affronter.
Adolfo PÉREZ ESQUIVEL
Traduit par Lucie Dubœuf
Cette lettre est publiée ici dans sa version originale.