Quel est donc cet étrange Club, cette minuscule confrérie de quatre hommes qui partagent une maison dans une ville côtière du Chili avec une seule femme, et qui est perturbée par l’arrivée d’un nouveau pensionnaire ? Même si la réponse est donnée relativement vite, il vaut mieux en savoir le moins possible. Après la trilogie consacrée au dictateur Pinochet (Tony Manero, Santiago 73, Post Mortem et No), Pablo Larraín traite une nouvelle fois des non-dits de la société chilienne, de l’hypocrisie des structures sociales, des figures d’autorités caduques, mais il le fait avec une sacrée dose d’humour.
“Il y a 6 ou 7 ans, raconte-t-il, j’étais alors tombé sur une photo, je ne sais plus si c’était dans un journal ou sur internet. Elle représentait un prêtre chilien accusé d’abus sexuels sur mineurs qui, avant que la justice ne le juge, avait été envoyé par l’Église dans une maison, en Allemagne, une très belle maison dans les alpages, tout droit sortie d’une publicité pour le lait, le chocolat. Cela m’avait indigné que cet homme ait pu ainsi fuir la justice et vivre dans un cadre idyllique. J’étais sidéré, scandalisé, et fasciné. Je me demandais ce qui se passait dans cette maison, comment ses pensionnaires occupaient leurs journées. Cette maison appartient au mouvement apostolique Schoenstatt, mais j’ai appris que ce type de maisons existait un peu partout dans le monde, et en particulier au Chili. L’Église ou toutes sortes de congrégations, d’ordres religieux, effectue ce type de pratiques qui consiste à envoyer ou abriter des hommes afin de les soustraire à la justice civile. La maison dont il est question dans le film dépend du Vatican… Nous sommes face à des individus qui ne savent pas admettre qu’ils ont fait telles ou telles choses, et face à une Église qui refuse que ses membres soient jugés par un tribunal civil, considérant que la seule justice est celle de Dieu… l’Église aujourd’hui, elle a peur d’un autre danger, externe celui-là : la presse. L’Église a plus peur des médias que de l’enfer… Au cinéma il faut dire certaines choses, il faut obliger le spectateur à entendre ça. Lui faire entendre autant de fois nécessaires pour qu’il comprenne ce qu’est cette vérité. ” (1)
Larraín a voulu faire un film sur la liberté de conscience. Il ne veut pas trop nous expliciter les choses. D’ailleurs les acteurs n’ont pas lu le scénario, car l’issue de l’histoire n’a été écrite qu’en cours de montage. Comme dans No, le réalisateur a utilisé des optiques des années 60 et tournait tôt le matin ou en fin de journée, en lumières naturelles, ce qui donne au film cette coloration très particulière.
Le cinéma chilien possède deux cinéastes particulièrement remarquables, Patricio Guzmán pour le documentaire et Pablo Larraín pour le cinéma de fiction. Tous les deux ont été primés à Berlin en 2015. Leurs films sont actuellement sur les écrans.
Alain LIATARD