Dans Été rouge, son premier roman, Daniel Quirós, jeune écrivain costaricien surprenait en donnant une image de son pays moins consensuelle que celle qui est généralement répandue : la Suisse d’Amérique centrale, avec sa démocratie tranquille et une société à l’abri des remous de ses voisins. On y voyait des plaies pas encore refermées qui dataient de la révolution sandiniste du Nicaragua proche et beaucoup de questions politiques et sociales non résolues. Dans Pluie des ombres, paru aux éditions de l’Aube, il récidive avec un polar de bonne facture.
On retrouve dans ce nouveau roman les personnages principaux du premier, à commencer par Don Chepe, ex-guérillero pendant les années de lutte au Nicaragua, qui s’est retiré dans un village isolé du Costa Rica et qui ne résiste pas à la tentation de mener une enquête lorsque le cas se présente. Cette fois, on découvre le corps d’Antonio, un jeune homme, fils d’une dame qu’il a autrefois employée comme femme de ménage, Nicaraguayen illégal, travailleur et sans problème. Pourquoi l’avoir tué ? Simplement parce qu’il était un étranger, de ceux qui viennent prendre le travail des braves Costariciens et faire de mauvais coups ? C’est une idée répandue, là comme ailleurs, un racisme ordinaire et quotidien, qui fait que la police locale ne s’acharne pas à trouver les responsables du crime et par voie de conséquence, que Don Chepe se lance dans la recherche de la vérité, avec son ami, policier, lui, Le Gato.
Ce racisme ordinaire et quotidien est au centre du récit. Don Chepe est frappé en assistant à l’enterrement d’Antonio : pas d’autre présence que celle de la famille la plus proche, ce qui est très symbolique du manque d’intérêt des gens “rangés” pour ces laissés-pour-compte. Quant à la police officielle, elle est aussi indifférente que le reste de la population. Un Nica de moins dans le coin ? Pas de quoi se montrer trop entreprenant, plus vite on refermera le dossier, mieux ce sera pour tout le monde. Heureusement Don Chepe et Le Gato sont bien décidés à tirer l’affaire au clair, même si cela risque de leur procurer pas mal de problèmes.
L’enquête est menée sans trop de hâte, elle permet de découvrir un pays très éloigné de la vision “touristique” du Costa Rica, des paysages de paradis et des hôtels cinq étoiles : Don Chepe et Le Gato fréquentent plutôt les petits restos au bord des routes, fréquentés par les péons qui travaillent, souvent au noir, dans les environs : sol en ciment, bières et plats locaux. Le vrai Costa Rica donc, celui qui donne envie, malgré le manque de glamour, de connaître ses habitants, les gens modestes, et non les hommes politiques ou les entrepreneurs qui n’ont qu’une volonté : gagner encore plus d’argent sur le dos du pays. Les luxueux complexes touristiques ne sont décidément pas pour nos personnages ! Eux, ils sont honnêtes, parfois naïfs et bien sûr ils ne pèsent pas lourd face à “ceux d’en-haut”, gringos ou locaux vivant dans un monde où se tourner vers autrui est une véritable tare.
Daniel Quirós, au fil de ses romans, entre peu à peu dans l’univers des auteurs de polars sociaux qui, mieux qu’une simple enquête classique, nous permet de découvrir un pays, une société qui a encore ses zones d’ombres.
Christian ROINAT