L’ONU demande des comptes à la Colombie pour des attaques subies par un syndicat

SINALTRAINAL (Sindicato Nacional de Trabajadores del Sistema Agroalimentario) est un syndicat qui représente les travailleurs de l’industrie agroalimentaire en Colombie, notamment ceux de Nestlé et Coca-Cola. Il paie un lourd tribu pour sa lutte en faveur des droits des travailleurs avec 25 syndicalistes assassinés depuis 1986 et des dizaines d’autres menacés, agressés, déplacés, exilés ou emprisonnés sous de fausses accusations.

La Colombie est le pire pays au monde pour être syndicaliste. Entre 2000 et 2010, près de 1 000 dirigeants syndicaux ont été assassinés en Colombie. Deux tiers des syndicalistes assassinés dans le monde le sont en Colombie et l’impunité prévaut dans plus de 95 % des cas. En juin 2014, le CETIM, une ONG basée en Suisse (1) très active dans le collectif d’associations qui tente de promouvoir des négociations aux Nations unies sur des normes contraignantes pour mettre fin à l’impunité des STN (Sociétés transnationales), a présenté une déclaration écrite au Conseil des droits de l’homme concernant le cas de Coca-Cola en Colombie. Un représentant de SINALTRAINAL avait pu faire le voyage à Genève pour témoigner des attaques permanentes contre le droit du travail et les droits syndicaux, et dénoncer l’assassinat de plus de dix syndicalistes ainsi que les liens présumés entre Coca-Cola et des groupes paramilitaires.

En septembre 2014, le CETIM a fait parvenir au  rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques et au rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, trois communications pour les alerter des nombreuses attaques subies par le syndicat SINALTRAINAL et solliciter leur intervention urgente auprès du gouvernement colombien. Le CETIM demandait également aux rapporteurs spéciaux d’intervenir auprès des gouvernements des États-Unis et de la Suisse, où Coca-Cola et Nestlé ont leur siège, afin qu’ils fassent cesser les attaques permanentes de ces entreprises contre les droits des travailleurs et les droits syndicaux en Colombie. Suite à cette intervention du CETIM, les deux rapporteurs spéciaux des Nations unies ont rappelé au gouvernement colombien que la déclaration universelle des droits de l’Homme et le pacte international sur les droits civils et politiques garantissent le droit à la vie et à la sécurité de tous les individus, ainsi que le droit à la liberté d’association.

Bien que le gouvernement colombien ait répondu aux rapporteurs spéciaux (début 2015), il n’a pas donné de réponse satisfaisante aux faits exposés et n’a pas fourni toutes les informations demandées. Dans son rapport au Conseil des droits de l’homme de juin 2015 (2), le rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires “regrette de ne pas avoir reçu d’informations sur l’avancée des enquêtes et les mesures de protection mises en place pour garantir la sécurité de plusieurs des syndicalistes mentionnés [et] de ne pas avoir été informé de si des enquêtes judiciaires ont été lancées suite à la mort de deux syndicalistes et d’un parent de l’un d’eux mentionnés dans la communication”. Dans ce même rapport, le rapporteur spécial se montre particulièrement inquiet “de la persistante situation d’insécurité dans laquelle opèrent plusieurs défenseures et défenseurs, syndicalistes et activistes sociaux en Colombie et pour le haut niveau d’impunité quant aux exécutions et menaces de mort contre eux.”

Le CETIM annonce qu’il suit de près ce cas, qu’il travaille actuellement sur une nouvelle communication aux rapporteurs spéciaux des Nations unies et qu’il prépare une plainte contre l’État colombien devant le Conseil des droits de l’Homme pour sa responsabilité dans l’assassinat d’un syndicaliste de SINALTRAINAL qui travaillait pour l’entreprise Coca-Cola.

Jac FORTON

(1) CETIM : Centre Europe-Tiers Monde, 6 rue Amat, 1210 Genève, Suisse. L’article ci-dessus reprend un texte publié par cette ONG dans leur bulletin n° 51 de septembre 2015 page 6, téléchargeable sur www.cetim.ch.
(2) Référence A/HRC/29/37/Add5.