L’opposant vénézuélien Leopoldo Lopez a été condamné, jeudi 10 septembre, à treize ans, neuf mois et sept jours de prison. Il a été jugé coupable “d’association de malfaiteurs et d’incitation à la violence, d’incendies et de destruction”.
Les faits remontent à la manifestation du 12 février 2014 à Caracas, qui avait fait trois morts (fortement suspects d’être les victimes des forces de l’ordre). Une vague de protestations avait ensuite secoué le pays pendant 3 mois, avec un bilan tragique : 43 morts, dont des étudiants et des policiers. La juge Susana Barreiros a indiqué qu’il purgerait sa peine dans la prison militaire de Ramo Verde, où il est détenu depuis le 18 février 2014. Ce jour-là, il s’était livré à la “justice corrompue” de son pays.
Le verdict a été immédiatement critiqué par l’Union européenne, l’ONU, les États-Unis, l’Espagne ou encore le Costa Rica. Le secrétaire d’État américain John Kerry s’est notamment dit dans un communiqué “profondément préoccupé”. Il a aussi fustigé “le recours au système judiciaire vénézuélien pour punir et neutraliser ceux qui critiquent le gouvernement de Caracas”.
Leopoldo Lopez est né en 1971 au sein d’une grande famille de l’élite vénézuélienne. Il a étudié à Princeton, où il dit “avoir pris conscience de sa responsabilité vis-à-vis de son peuple”, au Kenyon College dans l’Ohio, où il a lié des relations qui devaient devenir utiles par la suite, comme par exemple avec Rob Gluck, consultant politique à l’origine de la création de “Friends of a Free Venezuela”, qui mène une campagne très médiatisée aux États-Unis pour sa libération. Selon lui, Leopoldo Lopez “a toujours été progressiste”, et se placerait au centre gauche sur l’échiquier politique des États-Unis. Il a également rencontré, à Harvard Kennedy School une autre figure influente devenue l’un de ses principaux supporters : le Vénézuélien Pedro Burelli, membre du conseil d’administration de PDVSA, compagnie pétrolière nationale du Venezuela, avant l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez en 1999.
Leopoldo Lopez, représente l’aile radicale de la Table d’unité démocratique (MUD), la coalition qui regroupe les partis d’opposition au gouvernement de Nicolas Maduro, terne successeur du charismatique président Hugo Chávez (1999-2013). Il a contribué à la création du parti Primero Justicia, qui allait devenir un parti d’opposition en 2000, et l’a quitté en 2007 pour son parti actuel, Voluntad Popular. De 2007 à 2012 il a joué un rôle crucial dans l’avènement du mouvement étudiant d’opposition au Venezuela. En février 2014, après la défaite à la présidentielle de l’opposant Henrique Capriles, et l’élection de Nicolas Maduro, il est descendu dans la rue avec ses alliés étudiants pour scander “Libertad” et “Democracia”.
La tentative de coup d’État de 2002 contre Chávez est restée très impopulaire, et Lopez a toujours nié l’avoir soutenu. Mais la vérité serait plus complexe. Même s’il n’a jamais été officiellement accusé d’avoir fomenté un putsch, il est de notoriété publique qu’il a joué un rôle dans les troubles de 2002, ce qui a certainement influencé les décisions prises après les manifestations de février 2014 à Caracas. Depuis son arrestation, Lopez reste une star pour les jeunes militants, et certains voient en lui “un courageux martyr injustement incarcéré, un prisonnier politique inspirant une singulière solidarité”.
La condamnation de cet homme, symbole de la répression contre l’opposition menée par le gouvernement, survient à quelques semaines des élections législatives du 6 décembre pour lesquelles l’opposition, bien que divisée, part largement favorite, une situation inédite en 16 ans de “chavisme” (du nom de l’ancien président Hugo Chávez, 1999-2013). La défense a promis de faire appel de la décision dès que possible. Un rassemblement à l’appel du parti Voluntad Popular est prévu ce vendredi 11 septembre à Caracas.
Catherine TRAULLÉ