Le Pérou contemporain a toujours été une source d’inspiration pour Mario Vargas Llosa. Ce sont Lima et Piura, une ville de province très provinciale, qui servent de décor à ce nouveau roman, un peu comédie, un peu drame, agréable à lire mais qui laissera probablement le lecteur assidu du prix Nobel de littérature 2010 malgré tout sur sa faim.
En demande-t-on trop à un Prix Nobel ? C’est possible. Mais au fond c’est légitime. Et en lisant ce Héros discret on cherche en vain l’originalité qu’on pourrait en attendre. Chapitres alternés, signature systématique de Vargas Llosa depuis les années 60, personnages et situations récurrentes, et aussi dialogues vifs et style fluide, la surprise n’est pas au rendez-vous. Ainsi va-t-on croiser à nouveau le sergent Lituma et le capitaine Silva et aussi don Rigoberto et les siens, avec une pincée de cet érotisme un peu poussif qui avait plu dans un roman précédent. D’un côté (chapitres impairs), Felícito Yanaqué, le patron d’une entreprise de transports, fils de paysan de la sierra qui a réussi à peu près tout, sauf son mariage et l’éducation de son fils aîné. De l’autre (chapitres pairs), Ismael Carrera, riche propriétaire d’une compagnie d’assurances liménienne qui, à un âge avancé, décide de se marier en secondes noces avec Armida, une de ses domestiques. Tous les deux vont bien involontairement être confrontés à des soucis judiciaires, le premier suite à un racket qu’il refuse obstinément, le second à cause du rejet de ces noces tardives par ses deux fils.
Mario Vargas Llosa a depuis toujours une technique à toute épreuve, le récit est donc mené tambour battant, avec ce qu’il faut de surprises et de doses normales d’humour et de tension. On voit vivre Felícito, le provincial enrichi, honnête à toute épreuve dépassée par les trahisons, on voit (un peu, car il part très vite en voyage de noces) vivre Ismael, le puissant homme d’affaires et surtout son entourage, son homme de confiance don Rigoberto en tête, qui ressemble beaucoup à Felícito, ce qui déséquilibre forcément l’ensemble. La description sociale est assez froide, l’auteur ayant toujours été partisan de la distance plutôt que de l’émotion. Malgré une traduction à certains moments assez pataude et une bizarre abondance de notes souvent inutiles qui gênent la fluidité de la lecture, Mario Vargas Llosa nous offre un roman somme toute plutôt agréable, une bonne lecture pour la plage.
Christian ROINAT