Cinq nouvelles, cinq récits ancrés dans notre quotidien, histoires de couples qui ont réussi, mais qu’un grain de sable peut mettre en danger ou l’intervention (inquiétante, amicale ?) d’animaux ou de champignons dans cette routine. La Mexicaine Guadalupe Nettel poursuit brillamment son exploration de l’étrange confronté à l’ordinaire et réussit à rendre évidente notre proche parenté avec l’animal que, peut-être, nous refusons d’être.
Qui observe l’autre, du jeune couple parisien heureux qui va vivre une première naissance ou des deux poissons rouges, ces combattants qui, selon leur personnalité, peuvent être, comme leur nom l’indique, féroces entre eux ou au contraire apathiques ? Et surtout un de ces couples peut-il influencer l’autre ? Les cafards qui du jour au lendemain envahissent une cuisine mexicaine sont-ils les ancêtres des êtres humains, vaincront-ils finalement notre race ? Y a-t-il une raison objective au parallélisme presque parfait des deux grossesses de la “famille”, celle de l’héroïne, une étudiante, et celle de sa chatte recueillie peu avant ? Une mycose gênante, si elle est soigneusement entretenue, peut-elle être le lien profond qui unit deux amoureux séparés ? Quel rôle mystérieux peut jouer le serpent chinois qui vivote dans son terrarium dans la banlieue parisienne et qu’entretient presque amoureusement le père de famille sous le regard inquiet de sa femme et de son fils ? Autour de ces histoires Guadalupe Nettel, avec une grande élégance et beaucoup de finesse, nous ramène à notre condition commune d’êtres vivants : ces problèmes relationnels, auxquels nous sommes confrontés chaque jour sont-ils au fond plus importants que la survie d’un simple cafard ? La naissance d’un chaton est-elle moins porteuse de vie que celle d’un bébé humain ? On lit ces récits comme de simples tranches de vie, mais au détour d’une phrase on ne peut s’empêcher de frémir à l’idée, pourtant évidente mais qu’on a tendance à fuir par confort que notre vie personnelle, notre toute petite vie n’a peut-être guère plus de valeur que celle… d’un cafard ! D’un livre à l’autre, Guadalupe Nettel (qui a reçu en 2014 le prix Herralde pour son roman Después del invierno) s’impose comme une des voix les plus originales de la narration hispano-américaine. S’il en fallait une preuve, ce recueil le démontre clairement.
Christian ROINAT
La vie de couple des poissons rouges, de Guadalupe Nettel, traduit de l’espagnol (Mexique) par Delphine Valentin, aux éd. Buchet-Chastel, 122 p., 13 €.
Guadalupe Nettel en espagnol : El matrimonio de los peces rojos, ed. Páginas de Espuma, Madrid / El huésped / Pétalos y otras historias incómodas / El cuerpo en que nací, ed. Anagrama, Barcelona.
Guadalupe Nettel en français : Les jours fossiles, éd. L’Éclose, Paris, / L’hôte / Pétales et autres histoires embarrassantes / Le corps où je suis née, éd. Actes Sud.
Signature avec Telmo Herrera
Le romancier, poète et homme de théâtre équatorien, Telmo Herrera, que nous avons reçu en 2006 à Belles Latinas, participera prochainement à deux manifestations publiques: La première à Lyon, le vendredi 5 juin, à la librairie Décitre (29 place Bellecour) puis à Paris, le vendredi 19 juin, à la Maison de l’Amérique latine (217 Bd St-Germain).