Les scandales financiers à répétition ont plongé le Chili et le gouvernement de Michelle Bachelet dans une crise politique sans précédent depuis le retour à la démocratie en 1990, éloignant certainement de manière profonde les Chiliens de leur gouvernement et de la politique. Après avoir demandé la démission de tous ses ministres, la présidente du Chili a décidé d’en garder 18 sur 23. Parmi les partants figurent, le ministre de l’Intérieur Rodrigo Peñailillo ainsi que Claudia Barattini ministre de la Culture.
Cette crise a fait chuter la popularité de la présidente socialiste Michelle Bachelet, qui a perdu 13 points en deux mois, tombant à 31% selon le dernier sondage. Les scandales commencent à la fin de l’année 2014, lorsqu’on découvre le financement illégal de campagnes électorales. Le groupe financier Penta est pris dans une affaire de corruption, fausses factures et fraude fiscale pour plus de 800 000 euros. Pour étendre ses intérêts au cœur du pouvoir législatif, le groupe a financé des candidats de la droite au Congrès. Des hauts fonctionnaires des services des impôts sont aussi impliqués dans cette affaire – le directeur d’un centre d’impôts se trouve aujourd’hui en détention provisoire. Pour la première fois dans l’histoire de la justice chilienne, c’est un procureur chilien qui a pris en charge l’enquête.
Une autre affaire fait déborder le vase: c’est au tour de l’entreprise minière Soquimich, leader mondial du lithium et propriété de l’ex-gendre du dictateur Augusto Pinochet, d’être sur le banc des accusés, et avec elle plus de 170 politiciens de gauche comme de droite soupçonnés d’avoir reçu des pots-de-vin. Cette affaire touche principalement l’opposition de droite, mais des noms de membres de l’équipe de la présidente sont apparus dans l’enquête.Ces événements ont provoqué une grande méfiance dans la population et une chute rapide de la popularité de la présidente socialiste. Élue avec 61 % des voix, 14 mois après, elle ne bénéficie plus que de 31 % d’opinion favorable.
Au milieu de cette tourmente, l’hebdomadaire Qué Pasa révèle en février une douteuse opération immobilière réalisée par le fils de la présidente Bachelet, Sebastián Dávalos, chargé culturel du Palais de la Moneda, et par son épouse Natalia Compagnon. Le couple a obtenu un crédit de 10 millions de dollars pour l’entreprise Caval, propriété de la belle-fille à 50 %. Une instruction a été ouverte pour trafic d’influence et délit d’initié. Suite à toutes ces affaires, Michelle Bachelet a créé un conseil d’experts chargé d’élaborer des normes contre la corruption, les conflits d’intérêt et le trafic d’influence.
C’est dans ce contexte que la présidente a annoncé mercredi 6 mai dans la soirée, alors qu’elle participait à une émission télévisée, sa décision de demander à ses ministres de démissionner en bloc et qu’elle rendrait publique la composition du nouveau gouvernement dans un délai de 72 heures. Michelle Bachelet a fait cette annonce, attendue depuis des mois, en plein milieu de l’interview, la voix hachée, pour tenter de résoudre la crise politique. L’annonce présidentielle au beau milieu d’un programme de télévision populaire est quelque chose d’inédit au Chili et a choqué plus d’un dans ce pays où la politique se voudrait encore austère. Après avoir demandé la démission de tous ses ministres, la présidente du Chili a décidé d’en garder 18 sur 23.
Elle espère ainsi donner un nouveau souffle à son gouvernement. Mais ce remaniement donne une note plus conservatrice, que l’opposition de droite applaudit tandis que les secteurs de la gauche le regrettent, craignant que les réformes annoncées –dont celle très importante de la Constitution– tombe aux oubliettes. Le nouveau ministre de l’Intérieur, le démocrate-chrétien Jorge Burgos, est ainsi plus au centre que son prédécesseur, plus proche de la vieille garde du centre gauche. Quant au nouveau ministre des Finances, Rodrigo Valdés, il est plus libéral et plus proche du secteur privé. Alors qu’elle traverse cette crise, la présidente Michelle Bachelet devrait se rendre en Europe début juin pour participer à une réunion entre chefs de gouvernement d’Amérique latine et de l’Union européenne.
Olga BARRY