En 2015, on fête les vingt ans de la déclaration et du programme d’action de Beijing, feuille de route signée par 189 États pour en finir avec les discriminations envers les femmes. Le programme d’action de Beijing est à ce jour la principale “charte internationale” en matière d’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes. Un sommet de grande envergure, organisé conjointement par l’ONU Femmes et le gouvernement chilien, qui pose la problématique “Les femmes au pouvoir et à la prise de décisions : vers la construction d’un monde différent”, s’est déroulé les 27 et 28 février à Santiago. Espaces Latinos était présent.
Les réflexions abordées durant cette réunion étaient axées sur quatre thématiques, à savoir : les objectifs et les perspectives des femmes candidates aux postes de leadership, les leçons tirées en 20 ans du leadership des femmes, le leadership des femmes dans la construction d’une société plus égalitaire et les bonnes pratiques pour garantir la participation des femmes dans la prise de décisions. Cette rencontre de deux jours, marquée par la participation de femmes-leaders dans différents domaines en provenance de plus d’une soixantaine de pays, a eu pour but d’approfondir la réflexion autour des progrès réalisés au cours de ces 20 dernières années en matière d’accès des femmes au pouvoir et à la prise de décisions, et les défis à relever à l’avenir dans ce domaine. S’exprimant lors de la séance d’ouverture de cette réunion, marquée par la participation du secrétaire général de l’ONU Ban Ki Moon et la directrice générale d’ONU Femmes Phumzile Mlambo-Ngcuka, la présidente chilienne Michelle Bachelet a insisté sur la nécessité de se mobiliser davantage en faveur de l’égalité de genre, au travers d’une plus grande participation des femmes dans la prise de décisions et dans l’accès aux postes de leadership. La Présidente Bachelet a mis l’accent sur les efforts déployés par le Chili dans le domaine de l’égalité de genre, notamment en matière de formation et de capacitation des femmes.
Parmi plus de 70 leaders internationaux, hormis l’actuelle directrice de l’ONU Femmes (elle a succédé à Michelle Bachelet), la Sud-Africaine Phumzile Mlambo-Ngcuka, la présidente du Chili Michelle Bachelet, le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, de nombreuses ministres de pays d’Amérique latine et du monde, des représentantes politiques et de la société civile, des femmes d’affaires et des élues de différents pays du monde (dont la maire de Paris, Anne Hidalgo) étaient présentes. Lors d’une des interventions sur les femmes au Chili, M. Ban a déclaré que le monde devait s’unir pour mettre fin à la violence et à la discrimination contre les femmes, tout en déplorant la lenteur des progrès réalisés en la matière durant les deux décennies écoulées. “Nous devons travailler ensemble pour l’autonomisation des femmes et pour accroitre les opportunités qui leur sont offertes en politique, dans les affaires et partout ailleurs”. Pour y parvenir, des ressources doivent être mobilisées, ne serait-ce que parce que les investissements dans l’égalité des sexes génèrent d’excellents rendements pour la société, a déclaré Ban Ki-Moon, soulignant que 2015 serait une “année cruciale” pour faire avancer ces différents objectifs. Les remarques du Secrétaire général intervenaient quelques jours avant la commémoration dans le monde entier de la Journée internationale de la femme, le 8 mars, qui coïncide cette année avec le 20ème anniversaire de l’adoption du Programme d’action de Beijing. Cette année également, la communauté internationale travaille à l’établissement d’un nouveau programme de développement durable qui prendra appui sur les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et aidera à façonner les politiques et les investissements sociaux pour la prochaine génération.
“Je suis fermement convaincu que les femmes doivent accéder à des postes décisionnels à tous les niveaux. Nous devons tous apporter notre contribution pour briser les murs invisibles et créer des opportunités”, a déclaré M. Ban. “Pour être véritablement transformateur, le programme de développement pour l’après-2015 doit donner priorité à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes. Les voix des femmes et leur pleine participation sont primordiales”.
En marge de la conférence, le Secrétaire général a rencontré la Présidente du Chili, Michelle Bachelet, qui en 2010, fut la première dirigeante d’ONU Femmes, alors tout juste créée et a remercié le gouvernement chilien pour avoir coorganisé l’évènement.
Les droits de femmes en Amérique latine
Même si depuis vingt ans, les droits des femmes ont progressé, des clivages très profonds persistent entre hommes et femmes selon les pays et au sein même de ceux-ci. Les femmes latino-américaines sont devenues un moteur de changement dans leurs pays. Plus de 70 millions de femmes ont intégré le monde du travail ces dernières années grâce à un meilleur accès à l’éducation. Ainsi, entre 2000 et 2010, les revenus des femmes ont contribué à réduire d’environ 30 % l’extrême pauvreté et les inégalités.
Cependant, en Amérique latine, de grands défis restent à relever, car de graves problèmes persistent. Encore bien trop d’adolescentes sont exposées à la violence et tombent enceintes. Près d’une Latino-américaine sur trois subit des actes de violence au sein du couple. L’accès à la contraception libre et gratuite n’est pas garanti pour toutes. De même, comment une jeune fille bolivienne parlant quechua peut-elle arriver au terme de l’enseignement secondaire ? Comment une mère d’un quartier défavorisé de Lima peut-elle payer des soins médicaux de qualité ? De quelle manière une jeune travailleuse de Rio peut-elle trouver un emploi mieux rémunéré ? L’égalité des chances devrait être une obligation. En dépit du fait que plus de femmes soient mieux diplômées, au Brésil, au Chili, au Mexique ou au Pérou, elles gagnent beaucoup moins que les hommes et cet écart s’accentue même si l’on considère les postes à responsabilité.
Le Comité latino-américain et des Caraïbes pour la défense des droits de la femme (réseau présent en Argentine, en Bolivie, au Brésil, en Colombie, en Équateur, au Salvador, au Honduras, au Mexique, au Panama, au Paraguay, au Pérou, à Puerto Rico, en République Dominicaine et en Uruguay) lance un appel aux États et à la communauté internationale à l’occasion de la Journée Internationale de l’Égalité des droits des Femmes, pour la prévention, la sanction et l’éradication des violences contre les femmes telles le féminicide, la violence sexuelle, psychologique, physique, dans un contexte d’inégalités économiques et sanitaires. Les difficultés d’accès à la justice expliquent en partie la persistance de ces violations de droits. L’Amérique latine est la région la plus inégalitaire du monde et la pauvreté a un visage de femme. Dans les pays émergents, de nombreuses femmes et immigrées intègrent des secteurs nullement ou mal structurés comme les services domestiques où elles sont exploitées et vivent dans des conditions précaires et sans garantie légale. De nombreuses filles indigènes ou d’origine africaine n’ont toujours pas accès à l’éducation. Aucun pays de la région n’a respecté l’objectif de 2005 : garantir une éducation gratuite, laïque et universelle.
Pour les droits du genre, de reproduction et de la sexualité, de trop nombreuses femmes et adolescentes continuent à mourir en raison d’avortements réalisés clandestinement. La pénalisation de l’avortement dans la plupart des pays et le manque de services dédiés au planning familial et à l’éducation sexuelle en sont les principales causes. La non-séparation du politique et du religieux au sein de l’État et l’influence de l’intégrisme entraînent le non-respect des droits sexuels. Dans l’actualité mondiale, on assiste au renforcement des fondamentalismes religieux et par conséquent, les femmes subissent une grande discrimination et rencontrent de fortes difficultés à exercer leurs droits.
Olga BARRY