C’est sous ce titre que l’on pourra voir jusqu’au 3 mai 2015 à la fondation Canal Isabel II à Madrid, la première grande exposition consacrée à Hernán Cortés. Les curieux seront ravis d’y découvrir le parcours de vie du plus célèbre conquistador…
Figure controversée de la conquête du Mexique, Hernán Cortés arrive en 1519 à Tenochtitlan, l’actuelle Mexico, capitale de l’empire aztèque, à la tête de 400 hommes, une rencontre qui va changer l’histoire du monde. Selon l’un des commissaires de l’exposition, Martín Almagro, « il ne s’agit pas de savoir si Hernán Cortés était bon ou méchant, mais de rendre compte de la plus grande rencontre de l’histoire de l’humanité », car de son point de vue Cortés personnifie le début d’un monde globalisé. L’exposition a été réalisée en collaboration avec l’Académie d’histoire de Madrid, et l’Institut National d’Anthropologie de Mexico. Quarante institutions, musées nationaux et internationaux y ont participé, et Hugues Thomas et Joseph Pérez ont supervisé son montage.
L’exposition se divise en sept domaines qui suivent le récit historique des événements depuis 1519 jusqu’au vice-royaume de la Nouvelle-Espagne, et cela ouvre à une réflexion sur l’époque contemporaine. 400 pièces prêtées par différents organismes viennent illustrer ce cheminement sur 2000 m². Une scénographie innovante et des moyens audiovisuels très performants accompagnent et guident les visiteurs.
Tout d’abord, l’entreprise d’Hernán Cortés est resituée dans le contexte général de la colonisation. La découverte à Medellín, ville natale du conquistador, d’un mobilier proche-oriental dans une tombe ancienne a permis au commissaire de l’exposition de déclarer que « l’homme est un être colonisateur et que l’histoire humaine est l’histoire des colonisations ». De nombreuses cartes géographiques viennent étayer cette théorie. Cependant, on peut s’interroger, au fil de la visite, sur ces comparaisons faites entre la colonisation espagnole en Amérique et celle des Romains sur le continent européen.
Puis Hernán Cortés nous est resitué dans son contexte historique : lieu de naissance, imaginaire hérité du monde médiéval, recherche de nouvelles richesses, domination des mers, grandes explorations. Sont recréés sur gigantesque écran les bruits de tempêtes, les monstres qui effrayèrent les navigateurs lors des premières traversées. Plus loin diverses œuvres aztèques et mexicaines, parmi lesquelles une reproduction d’une coiffe en plumes de l’empereur Moctézuma, des sceptres en obsidienne…, nous font partager l’admiration que les Espagnols ressentirent lorsqu’ils arrivèrent à Tenochtitlan. Une vision animée de Tenochtitlan reproduit l’accueil de Cortés par les indiens. Des codex témoignent de la vie des indiens et de la rencontre des deux cultures. L’exposition retrace les rencontres, les alliances, les affrontements , les malentendus, les massacres qui ont présidé à l’histoire de la conquête, puis de la colonisation, en s’appuyant en particulier sur des documents comme les cartas de relación (sortes de rapports), la Historia general de Francisco López de Gómara et la Historia verdadera de la conquista de la Nueva España, de Bernal Díaz del Castillo.
Il est fait allusion à la fameuse « Nuit triste » où périrent de nombreux compagnons de Cortés, ainsi qu’à des embuscades où des Espagnols faits prisonniers furent sacrifiés dans des banquets rituels et leurs crânes exposés, comme à Tecoaque, ce qui amena Cortés à détruire la ville. Ces épisodes révèlent le conflit culturel et religieux né de la rencontre entre deux mondes. Ce récit, proche de l’épopée, rapporte cependant la destruction implicite d’une culture , d’une civilisation, d’un empire, après quoi l’ancienne Tenochtitlan a été remplacée par une ville nouvelle construite selon les plans d’une ville romaine. Il y est fait très peu de place à Bartolomé de Las Casas, qui a dénoncé le massacre des Indiens dans son livre, La brevísima relación de la destrucción de las Indias écrit en 1542, dont il est présenté un exemplaire.
Ce livre a été accusé d’être à l’origine d’une « légende noire » sur la conquête et sur Cortés, alimentée à l’époque par les ennemis de l’Espagne, notamment les protestants flamands ; selon les organisateurs de l’exposition, cette « légende » aurait cours aujourd’hui encore. Tout près, on peut voir, de fait, une gravure de 1594 représentant Núñez de Balboa donnant des Indiens à manger aux chiens. L’exposition fait-elle une place suffisante aux conséquences de la nouvelle organisation sociale due au travail forcé dans les encomiendas, ces terres distribuées aux colons espagnols par la couronne ? La disparition en grand nombre des indiens est attribuée surtout aux maladies apportées par les Espagnols.
Selon le commissaire de l’exposition, il faut se garder de tout anachronisme : « Nous ne pouvons pas juger avec notre sensibilité ce qui s’est passé au XVIe siècle ». C’est à chaque visiteur de se faire une opinion tout au long d’un parcours varié, vivant et riche en documents et en informations.
Pour plus de détails, nous vous invitons à consulter ces sites suivants : français ou espagnol.
Françoise DUBUIS
Itinerario Hernán Cortés – Centro de exposiciones Arte Canal – Paseo de la Castellana 214, Madrid