La réouverture du procès de l’ancien dictateur du Guatemala le 5 janvier a été marquée par l’absence de l’accusé pour raisons de santé. Efraín Ríos Montt est finalement arrivé sur une civière. Les recours déposés par les avocats de l’accusé font encore reculer la date du procès.
Tout est fait pour éviter le procès du dictateur Ríos Montt. Jugé pour le massacre de 1771 Mayas-Ixils par l’armée guatémaltèque en 1982, le général-dictateur Ríos Montt avait été condamné le 10 mai 2013 à 80 ans de prison. Le général José Rodríguez, son chef du renseignement, ne possédant aucun mandat de commandement, avait été acquitté. Dix jours plus tard, la Cour de Constitutionalité annulait le verdict pour vices de forme et ordonnait de rouvrir le procès le 5 janvier 2015 en reprenant la procédure telle qu’elle était en novembre 2011. Lorsque la juge Jeannette Valdés ouvre la session ce lundi 5 janvier à 8 h du matin, elle est obligée de la suspendre immédiatement: non seulement, le dossier ne lui est pas parvenu mais l’accusé Ríos Montt ne s’est pas présenté pour des raisons de « mauvaise santé ». Elle demande aux avocats de l’accusé que celui-ci se présente dans les deux heures.
Les défenseurs du dictateur rappellent leur recours de récusation de la juge « pour avoir déjà donné son opinion en 2004 dans son mémoire de maîtrise ». Recours rejeté par la juge : « c’est l’opinion de la défense qui dans certains paragraphes (de mon travail), il s’est émis une opinion, alors que ce qui s’est fait fut d’aborder la thématique du point de vue du dogme juridique, en citant aussi divers rédacteurs de traités sur le sujet ainsi que des articles de journaux comme sources de travail, dont certains ont mentionné l’accusé dans leurs écrits… » En conséquence, « J’estime que ce droit de récusation est hors temps et n’a comme finalité que d’affecter le début du procès … dont la date et ma nomination à le présider sont connues depuis le 30 octobre 2013 ». Mais, petit coup de théâtre, Sara Yoc et María Eugenia Castellanos, les deux autres juges du tribunal acceptent le recours ! Du coup, la procédure est suspendue et ce sera à la Cour d’appel du Risque majeur à décider si la juge Valdés continuera à présider ce tribunal ou si elle devra être remplacée.
La mise scène de l’arrivée du dictateur
Un peu avant l’échéance donnée par la présidente du tribunal, le dictateur arrive à la Tour des tribunaux de la ville du Guatemala. : toutes sirènes hurlantes, couché sur une civière, un drap lui cachant le visage, entouré de son médecin, d’une infirmière et de ses avocats, le dictateur fait une entrée fracassante dans la salle. Il souffrirait d’une… luxation de l’épaule ! (1). De son côté, l’autre accusé, l’ancien chef des Renseignements militaires sous Ríos Montt, José Rodríguez, estime que « tout cela est un cirque organisé par les organisations sociales… Il faut en finir avec cette humiliation »(2).
Un autre recours est toujours en balance : la demande d’amnistie déposée en 2012 par la défense en vertu d’un décret d’auto-amnistie datant de 1986. La Cour de Constitutionalité avait alors demandé à la Cour suprême d’expliquer pourquoi, en mars 2012, un tribunal avait refusé que ce décret s’applique au général Ríos Montt alors qu’elle avait bénéficié aux militaires et aux guérilleros à l’époque.
La Cour suprême avait envoyé le dossier à trois cours de justice pour qu’elles en débattent. Plus de cent juges avaient décliné leur nomination à ces cours ! Les raisons ? Dans une interview par l’AFP diffusée au Guatemala (3), l’ancien ministre des Affaires étrangères, Edgar Gutiérrez estime que « Refuser l’amnistie était s’exposer à des représailles de la part des militaires et des groupes de droite (menaces de mort contre eux ou leurs familles), accepter l’amnistie couvrirait de honte un(e) juge qui absoudrait ainsi quelqu’un accusé de génocide… ».Avant de pouvoir continuer le procès, il faudra donc attendre la résolution de ces recours. Pour Nery Rodenas, représentant la ODHA, Oficina de Derechos Humanos del Arzobispado (Bureau des droits humains de l’archevêché), « Les actions de la défense sont des mesures dilatoires qui cherchent à repousser la procédure ; c‘est clair depuis le début ».
Jac FORTON