Entretien avec le réalisateur pour son dernier film Retour à Ithaque, sorti le 3 décembre dernier
Laurent Cantet a une filmographie très brillante puisqu’on lui doit en 2000, Ressources humaines, César du premier film, L’emploi du temps, lion de l’année à Venise en 2001, Vers le sud sélectionné à Venise en 2006, Entre les murs, palme d’or au Festival de Cannes 2008, Foxfire, Confessions d’un gang de filles, prix d’interprétation féminine au Festival de San Sébastián 2012. Retour à Ithaque a été sélectionné à Venise et a obtenu le grand prix (abrazo du meilleur film) au Festival de Biarritz. Il a tourné en France, au Canada et ce dernier film, à Cuba. Il a adopté un style théâtral puisque tout se passe en une nuit sur un seul lieu, une terrasse de La Havane, proche de la mer d’un côté et avec vue sur des cours d’immeubles de l’autre. Le film est une réflexion sur l’histoire de Cuba, les illusions et les désillusions des protagonistes à l’occasion du retour de l’un d’eux après seize ans d’absence. Un film à voir absolument. Il est en salles depuis le 3 décembre. Voici un extrait de notre rencontre avec Laurent Cantet durant le dernier Festival de Biarritz.
Pourquoi avoir tourné « Retour à Ithaque » à Cuba ?
Parce que c’est un pays que j’ai appris à connaître, que j’aime énormément. J’y ai rencontré des gens que j’aime beaucoup, qui ont plein de choses à m’apprendre. C’est un pays qui reste après pas mal d’années une énigme : il y a des choses que je comprends, puis je réalise qu’il y en a plein d’autres qui m’échappent. Quand je crois avoir compris quelque chose, je réalise que j’ai mal compris. Il y a quelque chose de très très intéressant à regarder. Et puis il y a eu la rencontre avec un auteur pour lequel j’avais énormément d’admiration, Leonardo Padura, dont j’avais lu tous les livres et qui m’avait servi presque de guide dans Cuba, que j’avais rencontré lors du tournage de 7 jours à La Havane, il y a trois ou quatre ans. J’avais fait un court métrage dans ce film constitué de 7 courts métrages. Je lui avais demandé que l’on écrive ensemble l’histoire d’un exilé qui revient au pays et qui confronte sa propre vie, sa propre existence à celle de ses amis qu’il retrouve après seize ans et qui va permettre de faire un point sur la société cubaine d’aujourd’hui. On avait commencé à écrire et très vite on a compris que quinze minutes ce n’était pas suffisant. Alors on a laissé de côté l’histoire. Moi j’ai écrit un autre scénario pour 7 jours à La Havane et dès que l’on a pu, on s’est retrouvé, on a construit ensemble l’histoire, on l’a mise en forme. Leonardo écrivait, et je reconstruisais les choses, puis on l’a tourné assez rapidement parce que l’on a pensé que c’était un film qu’il fallait faire vite parce que Cuba est en train de changer en ce moment, qu’il y avait de la part des acteurs aussi une grande demande vis-à-vis de ce film, que ce film était aussi l’histoire de leur vie et qu’ils avaient très envie de le faire. Et voilà !
– Ce sont tous des acteurs du cinéma cubain ?
– Ce sont des acteurs assez connus à part l’un d’entre eux, et qui participent à tous les grands films cubains. Jorge Perugorría est même la star du cinéma cubain puisque c’est lui qui jouait, il y a vingt ans, dans Fraise et chocolat, qu’il lui a donné une renommée d’une part à Cuba, mais aussi en Espagne et dans toute l’Amérique latine, et ce qui m’intéressait c’est que tous ces acteurs se connaissaient déjà entre eux car certains ont fait leurs études ensemble, sont allés au conservatoire ensemble. La petite bande que j’avais envie de filmer, ces amis qui se retrouvent, étaient réellement pour certains, amis dans la vie. Je pense que l’on sent à l’écran cette complicité, cette tendresse.
-Vous aviez dès le départ l’idée d’un lieu plutôt clos ?
– Pour moi c’était important de donner la possibilité au spectateur de se concentrer le plus possible sur le discours, sur ces histoires que ces gens avaient à nous raconter et puis aussi filmer les visages parce que toute l’émotion que me transmettaient ces visages était presque aussi importante que tout ce que l’on nous raconte. Plutôt que faire un film qui, vu par un étranger aurait pu être presque touristique sur La Havane, j’ai préféré choisir de le tourner comme un huis clos, sauf que ce huis clos se déroule à ciel ouvert dans un décor qui en plus est très représentatif de La Havane. D’un côté il y a le trou noir de la mer pendant la nuit, cet espèce d’inconnu, cette invitation aussi vers un ailleurs que l’on ne connaît pas, et puis de l’autre côté la ville avec ses toits qui sont des lieux de vie pour beaucoup de gens, un endroit où l’on se retrouve entre copains lorsque l’on est jeune, un endroit où l’on va jouer quand on est gamin, un endroit où on va tuer un cochon dans un coin, où on va élever des pigeons voyageurs… C’est vraiment un huis clos dans lequel on invite finalement l’île. »
Alain LIATARD
L’intégralité de l’entretien paraîtra dans le prochain numéro de la Revue Espaces Latinos de décembre-février 2015.
Cette semaine aussi vient de sortir sur une toute petite combinaison, le dernier film du Brésilien Karim Aïnouz, Praia do futuro sur les relations amoureuses entre Donato et un Allemand en vacances qu’il suivra jusqu’à Berlin. Quelques années plus tard le frère de Donato cherchera à le rejoindre en Allemagne. Il s’agit d’un film très dur et sans complaisance qui montre que l’homosexualité n’est pas facile à vivre.