Ce superbe classique du cinéma brésilien a été réalisé en 1972 par Leon Hirszman (1937- 1987) et est présenté dans une copie restaurée. Paulo Honório est obsédé par l’idée d’acquérir la ferme de São Bernardo dans laquelle il a été ouvrier agricole. Il y parvient à force de tractations malhonnêtes. Pour être respectable, un riche propriétaire se doit de fonder une famille.
Il se marie donc avec Madalena, jeune professeur, qui cherche à se maintenir au courant de l’actualité des questions politiques, sociales et littéraires. Paulo Honório aime sa femme, mais considère le mariage comme une transaction commerciale. Dévoré par une jalousie maladive, il ne supporte plus ses amis et encore moins les cris de son fils. Progressivement Madalena se détruit…
Le film est adapté du roman de Graciliano Ramos, considéré comme l’un des plus importants écrivains brésiliens et qui fut sans nul doute celui qui fut le plus à l’écoute des habitants du Nordeste, région où il naquit et vécut enfant, et où il passa une partie de sa vie d’adulte.
Chroniqueur et journaliste, Graciliano Ramos mena parallèlement une activité de romancier et de fonctionnaire. Durant la dictature de Getulio Vargas, il écrivit en 1934, São Bernardo. “J’ai fait en sorte, déclarait le réalisateur, que mon travail ressemble à celui d’un musicien qui interprète la musique d’un compositeur qu’il admire et estime.” Mais le film eut des problèmes avec la censure militaire qui le bloqua six mois.
Leon Hirszman se passionna très jeune pour la politique et s’inscrit au parti communiste. Après des études d’ingénieur, il fut donc très tôt impliqué dans la vie sociale et politique de son pays, et se consacra à la diffusion d’un cinéma militant au sein des ciné-clubs. Devenu cinéaste et chef de file du Cinema Novo, ce grand admirateur d’Eisenstein resta fidèle à ses préoccupations. Ils ne portent pas de smoking et ABC da greve, une fiction et un documentaire tournés simultanément en 1980-81 dans les faubourgs industriels de São Paulo, témoignèrent de son engagement. São Bernardo est un beau film à redécouvrir !
Alain LIATARD