Les drôles de poissons-chats

Le cinéma latino-américain s’écrit au féminin. Après Marcela Said (L’Eté des poissons volants), Mariana Rondon (Pelo Malo), Catalina Villar (Cahiers de Medellin) ou Claudia Llosa (Fausta), s’ajoute désormais la jeune réalisatrice de 31 ans, qui signe ici son premier film, nourri de sa propre biographie. L’histoire d’une amitié placée sous le signe de la transmission entre Claudia, jeune femme sans attaches, et Martha, mère de famille, atteinte du sida.

Claudia a 22 ans et vit seule dans une grande ville du Mexique. Une nuit, elle atterrit aux urgences pour une crise d’appendicite. Elle se lie d’amitié avec Martha, qui occupe le lit voisin. Martha a 46 ans, 4 enfants, et une inépuisable joie de vivre. A sa sortie de l’hôpital, Martha invite Claudia à habiter chez elle. D’abord désorientée par l’organisation chaotique de la maisonnée, Claudia trouve progressivement sa place dans la tribu. Et tandis que la santé de Martha s’affaiblit, le lien de Claudia avec chaque membre de la famille se renforce jour après jour.

Cette histoire est basée sur la solidarité et l’empathie. Ce qui lui permet même en  approchant divers thèmes dramatiques comme le sida, la mort, la solitude, le suicide ou la dépression de ne pas tomber dans le mélodrame. Même s’il est touchant, le film est aussi vivant et drôle. Au début les premières séquences sur Claudia sont plutôt austères et les plans sont très serrés. Alors nous ressentons sa douleur, puis lorsque l’on rentre dans l’univers de Martha, cette mère poule avec ses enfants tout devient léger et brouillon. Il fallait absolument que la réalisatrice arrive à maitriser ces deux univers pour nous faire adhérer à son histoire. Puis une scène est très importante, filmée en plan séquence c’est celle du repas quand ils arrivent tous à manger ensemble : alors on entre dans l’univers de Martha qui est gris et plein de douleur. A ce moment-là, Claudia se sent étrangère à cette famille mais décide de renforcer ses liens avec chacun, (une jeune fille qui doit assumer les responsabilités de la famille, une adolescente qui se cherche, une gamine vaniteuse et un gamin farceur), mais aussi se découvrir elle-même…

Le film a été primé au Festival de Locarno et a reçu au Festival de Biarritz, le Prix d’interprétation féminine pour l’ensemble des actrices de ce très beau film. Pourtant le casting fut difficile car la réalisatrice avait peur de son manque d’expérience. Ce qu’elle a apprécié chez ses actrices c’est que non seulement elles interprétaient ce qui était écrit, mais qu’elles le transformaient, et savaient lui donner vie.

Née á Veracruz au Mexique en 1982, Claudia Sainte-Luce étudie les arts audiovisuels à l’université de Guadalajara dont elle est diplômée en 2004. En 2005, elle participe au festival de Guanajuato dans le Rally Malayerba. L´épreuve consiste à réaliser un court métrage en 24 heures. Elle présente un film intituléMuerte Anunciada, qui reçoit le Prix du public, le Prix du meilleur acteur et une mention du jury. Depuis 2007, elle travaille comme assistante de réalisation. Les drôles de poissons-chats est son premier long-métrage.

Nous signalons que le Festival international du cinéma d’Animation d’Annecy se déroulera du 9 au 14 juin prochain. Il propose le meilleur du cinéma mondial en cinéma d’animation, que ce soit en longs métrages, en courts, en télévision ou en film d’écoles. Cette année le Brésil sera à l’honneur avec un long métrage en compétition, L’Enfant et le monde, ainsi qu’une séance de courts métrages sur l’art de l’animation brésilienne, le jeudi 12 juin. Par ailleurs des rencontres professionnelles entre le Brésil et le Chili auront également lieu dans le cadre du marché.

Alain LIATARD