Les Éditions Christian Bourgois viennent de publier simultanément deux courts romans de l’Argentin Sergio Bizzio, La réalité, sorti à Buenos Aires en 2009 et Borgestein, en 2012. Phénomène plutôt rare, qui s’explique sans doute par l’opposition radicale de leurs thèmes et de leurs styles.
La réalité, comme le titre le dit, est une sorte de documentaire sur une prise d’otage pendant un reality show. Des terroristes islamistes envahissent un studio et manipulent les participants depuis la régie centrale, des jeunes garçons et filles qui cherchent la médiatisation à tout prix. Intégrisme, société hyper-médiatisée, jeunesse déboussolée, absence de réactions rationnelles devant cette intrusion qui se fait dans une espèce de neutralité émotionnelle et morale, on découvre une société sans repères. Le rythme est assez lent et permet de suivre l’évolution, comme si on était en direct de la psychologie de chacun des personnages, otages ou terroristes.
Borgestein
À l’opposé, Borgestein nous entraîne dans un tourbillon de fantaisie débridée, malgré une situation de départ plutôt sombre et qui pourrait être stressante : la séparation, consciente ou inconsciente d’un couple. Elle, est comédienne célèbre, lui est psychiatre et vient de se faire agresser par Borgestein, un patient au nom prédestiné puisqu’il se pique d’être poète. Enzo, le narrateur, s’installe dans un endroit perdu, au pied d’une cascade dont le bruit l’incommode. La faire taire devient une obsession pour lui. Il règne une ambiance étrange, les visiteurs disent une chose puis son contraire, sans qu’on sache s’ils ont menti, s’ils mentent ou si on a mal compris. Le héros lui-même donne des signes de faiblesse mentale, mais n’est-il pas le plus solide de tous ? Et ce perroquet, qui se donne du plaisir en mettant ses pattes dans les prises de courant. À chacun ses addictions…
Sergio Bizzio nous avait angoissés avec Rage il y a quelques années, cette fois il nous fait réfléchir sur la violence contemporaine et montre qu’il est aussi capable de nous amuser avec des situations surréalistes tout en nous émouvant, car la gravité n’est pas absente.
Sergio BIZZIO : La réalité, traduit de l’espagnol (Argentine) par André Gabastou, Christian Bourgois, 178 p., 12€ / Borgestein, traduit de l’espagnol (Argentine) par André Gabastou, Christian bourgois, 156 p., 12 €.
Sergio BIZZIO en espagnol : Rabia, El Cobre, Barcelona / La realidad / Era el cielo, ed. Caballo de Troya, Barcelona.
Sergio BIZZIO en français : Rage, Christian Bourgois.
Louise LAURENT