Buenos Aires, quatre hommes, amis depuis l’enfance passée dans un même quartier tout à fait banal, amis à la vie, à la mort. Ils ont maintenant la quarantaine. La mort de l’un d’eux va-t-elle justement en finir de cette belle amitié ?
Le mort, c’est le Singe, Alejandro, ainsi surnommé depuis qu’enfant il s’était pris pour Tarzan… et était tombé de l’arbre sur la voiture d’un voisin ! Il était divorcé, avait une fillette, Guadalupe et sa maladie lui avait laissé le temps de prévoir l’avenir de sa fille : il avait acheté un jeune footballeur prometteur qui, malheureusement s’était vite révélé complètement tocard. Les trois amis décident peu après la disparition de leur alter ego, de tout faire pour donner à Guadalupe l’héritage auquel elle a droit. Mais comment faire, quand on ne connaît pas grand-chose au milieu du foot pour se débarrasser d’un tel boulet ?
Eduardo Sacheri, l’auteur du roman qui a inspiré le film Dans ses yeux, oscarisé à Hollywood, prend son temps pour décrire comment une relation d’une solidité a priori à toute épreuve peut se modifier au fil des circonstances. Le frère du Singe, Fernando, est professeur dans des collèges un peu difficiles, Le Russe est le propriétaire très peu motivé d’une station de lavages de voitures qu’il a ouverte après diverses faillites déjà dues à son manque d’enthousiasme dans les affaires, ce qui rend son épouse un tant soit peu acariâtre. C’est Mauricio qui a le mieux réussi, brillant avocat dans un cabinet qui a le vent en poupe. Son problème majeur est également sa femme qui prend de plus en plus mal ses flirts un peu poussés avec ses secrétaires.
Quand l’argent et le pouvoir se mêlent à l’amitié, celle-ci est en danger, c’est une banalité, mais elle est ici transformée en un récit plein de rebondissements et d’humour. Nos lascars vont faire des pieds et des mains pour tenter de faire passer pour une star du ballon rond ce pauvre gamin dénué de tout talent et affublé d’un père gaffeur. Cela donne à l’auteur, bien au-delà de l’aspect comique des situations, l’occasion de dire combien l’amitié peut être fragile et forte à la fois, l’occasion de se demander jusqu’où on peut avaler des couleuvres de la part d’un ami d’enfance et si on a le droit de vouloir changer ce qui ne nous plaît pas en lui. Malgré sa longueur c’est un roman qui se lit d’une traite, porté que l’on est par les épisodes rocambolesques et les retours en arrière qui éclairent sur la personnalité de chacun.
Christian ROINAT