Il va mourir. Il ne lui reste que trente jours à vivre, pas un de plus. C’est inéluctable, c’est fixé : c’est un diseur de bonne aventure qui le lui a dit. Et le Barbu du titre organise son dernier mois en fonction de cette prédiction qu’il a pris au pied de la lettre.
Sébastien Rozeaux, docteur en histoire, connaît bien le Brésil et a visiblement envie de nous faire partager son amour pour une population modeste, envie de nous montrer la vraie vie quotidienne dans une ville de province (Porto Alegre). Ce qu’il raconte n’est que le prétexte pour nous montrer une réalité peu diffusée parce que trop peu spectaculaire pour faire l’objet par exemple d’un film documentaire. C’est le grand mérite de ce livre, pas tout à fait un roman, malgré le sous-titre, pas tout à fait un documentaire, mais qui flotte entre les deux.
Autour du Barbu, personnage hors du commun, toute une galerie d’hommes et femmes pas très bien adaptés à cette société qui continue, en plein 21ème siècle à se chercher. Lui, le Barbu, survit en récupérant les canettes vides jetées un peu partout, en particulier dans le parc central et en les revendant à un « grossiste » qui les recyclera. Et c’est là la grande fierté du Barbu : il participe à l’écologie. Il participe aussi à l’amélioration de la société en détournant des dangers bien connus (la délinquance, la drogue) des gamins à la dérive : il les invite à « travailler » avec lui. Ce n’est qu’une goutte d’eau dans la mer, il le sait bien, mais elle est indispensable à la survie de toute la société, cela, il le sait aussi.
Sa mort annoncée ne le trouble pas plus que ça, il en accepte l’idée et il l’intègre littéralement à sa vie, à ce qui lui reste de vie, pour vivre encore mieux : puisqu’il ne pourra plus profiter du peu qu’il possède, autant le faire bien ! Mais ce qui reste de la lecture du Barbu céleste, outre ces personnalités attachantes, c’est bien la description d’un pays tout entier, pas celle de Rio, de São Paulo ou de Brasilia, celle d’une province très discrète dans la littérature. Sébastien Rozeaux montre très clairement ses petites failles et surtout, car le livre au fond est optimiste, les liens qui existent vraiment entre ces gens qui se croisent. N’est-ce pas la définition justement d’une société qui fonctionne quand même ?
Christian ROINAT
Le Barbu céleste, de Sébastien Rozeaux aux éditions Globophile, 199 p., 17,50 € – Site editeur