2014, année d’élections en Amérique latine

Le Brésil, la Colombie, l’Uruguay et la Bolivie entrent en année d’élections présidentielles. Trois présidents se représentent. La crise « Snowden » a définitivement fracturé les relations Brésil-États-Unis.

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BRÉSIL – La présidente Dilma Rousseff se représente en octobre pour un deuxième mandat. Toujours soutenue par le Parti des Travailleurs (PT) et par l’ancien président Lula, elle a toutes les chances de l’emporter. De plus, Rousseff et le PT se sont donnés comme défi de gagner l’État de São Paulo aujourd’hui dominé par le Parti Social Démocrate du Brésil (PSDB) de l’ancien président Henrique Cardoso. Le PT a bien gagné la municipalité de la ville de São Paulo en 2013 mais emporter cet État  de 41 millions d’habitants sur un territoire grand comme la moitié de la France, est un défi majeur. L’atout du PT s’appelle Alexandre Padilha, actuel ministre de la Santé et moteur du nouveau programme social de la présidente “Plus de Médecins” dont l’objectif est de former un grand nombre de médecins brésiliens et d’inviter des médecins étrangers au Brésil (surtout Cubains) de manière à couvrir les régions sans médecins ou à élever le niveau d’attention médicale des simples centres de santé locaux.

Au niveau international, tout laissait croire à un rapprochement historique entre le Brésil et les États-Unis après deux mandats de Lula qui avaient marqué une prise de distance certaine entre les deux pays et le début de l’importance politique du Brésil sur la scène internationale. Sous pression de son ministre des Affaires étrangères, Antonio Patriota, et de l’aile conservatrice de Itamaraty, son ministère, Dilma Rousseff avait accepté de calmer le jeu avec les États-Unis. Lorsqu’en mai 2013, le vice-président des USA Joe Bidden et la présidente se serrent la main en souriant, Bidden est convaincu que le Brésil, désirant renouveler sa flotte militaire aérienne,  allait acheter 36 chasseurs F-18 Super Hornet chez Boeing. Mais les révélations de Edgar Snowden sur l’espionnage de la NSA et tout particulièrement celle du fait que les téléphones personnels de la présidente étaient sur écoute, provoquent sa colère. Elle annule un voyage prévu de longue date aux États-Unis, décide d’acheter  les 36 avions à la Suède (les avions Rafale français étant trop chers et ne correspondant pas aux besoins du Brésil) et fait clairement sentir aux compagnies pétrolières US qu’elles ne seront pas les bienvenues à l’heure d’octroyer les permis d’exploration et d’exploitation des immenses réserves de pétrole situées au large des côtes brésiliennes. Aucune d’entre elles ne postulera…

Ces divers épisodes ont fait remonter l’indice de popularité de la présidente, tombé assez bas après les manifestations populaires de 2013.  Début 2014, les sondages lui donnent la victoire avec 47 % des voix, loin devant ses rivaux Marina Silva (24 %) et Aecio Nieves du PSDB (19 %).

BOLIVIE – Le président Evo Morales peut, suite à une modification constitutionnelle, se présenter pour un troisième mandat. Il affronte deux grands problèmes : une opposition toujours plus dure de la droite qui se situe surtout dans la région de Santa Cruz (on se souvient de leur tentative de sécession), et une revendication de plus grande autonomie de la part des organisations indigènes qui avaient largement soutenu Morales  lors de son premier mandat mais s’étaient opposées à lui lorsque le président avait voulu ouvrir une route commerciale au beau milieu d’un parc national habité majoritairement par des indiens.
Cependant, ni les premiers ni les seconds n’ont réussi à mettre sur pied une organisation, un mouvement ou un parti capable de s’opposer à Morales. Il leur reste un an pour y parvenir…

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URUGUAY – Contrairement à la plupart des pays latino-américains, la Constitution uruguayenne ne permet pas deux mandats présidentiels consécutifs. Le président “Pepe” Mujica du Front Ample (FA) ne peut donc pas se représenter aux élections d’octobre prochain. Le FA projette une élection interne entre l’ancien président Tabaré Vasquez (73 ans) et la sénatrice Constanza Moreira (53 ans) qui propose une relève générationnelle. Le programme de Moreira se veut “un pari à la solidarité avec tous les pays, en particulier ceux avec qui nous partageons une certaine continuité idéologique, par exemple le Brésil, l’Argentine, le Venezuela, l’Equateur et la Bolivie…” L’opposition uruguayenne n’a pas encore commencé ses négociations en vue de proposer son candidat.

COLOMBIE – Les élections auront lieu le 25 mai et le président Juan Manuel Santos espère passer au premier tour pour son second mandat. Il a plusieurs atouts. D’abord, il a largement pris ses distances par rapport aux politiques de son prédécesseur Álvaro Uribe, dont il était pourtant le ministre de la Défense. Plutôt que de continuer dans l’affrontement comme s’y complaisait Uribe, représentant les secteurs oligarchiques, le président Santos a décidé d’œuvrer pour la fin des conflits, au nom des secteurs macro-économiques, car la guerre n’est pas bonne pour le business !
Il a tout de suite normalisé  les relations avec ses voisins vénézuélien et équatorien pour pouvoir dédier son énergie à essayer d’en terminer avec la guerre civile qui déchire le pays depuis 50 ans !

Les négociations de paix entre son gouvernement et la guerrilla des FARC ont lieu depuis début 2013 à Cuba, avec le soutien du Chili et de la Norvège. Les deux parties négocient sur six points fondamentaux dont deux auraient déjà été accordés : la répartition de la terre et la réintégration de la guerrilla dans la vie politique. On ne connaîtra les détails de ces négociations que lorsque des accords auront été convenus entre les deux parties. Si la négociation aboutit à la fin de la guerre, le gouvernement pourra alors s’attaquer au problème des paramilitaires et des narcotrafiquants qui ravagent de grandes régions du pays et ont provoqué la migration interne de dizaines de milliers de petits paysans.

Tous ces candidats présidentiels se réuniront le 25 janvier à Cuba à l’occasion du prochain sommet de la CELAC (Communauté des pays latino-américains et des Caraïbes) dont la présidence passe au Costa Rica, puis à Caracas dans le cadre du Sommet du Mercosur (auquel assistera pour la première fois le nouveau président du Paraguay, Horacio Cartes) et dont la présidence passe à l’Argentine. L’Amérique latine continue sa marche inexorable vers l’intégration économique et politique.

Jac FORTON