Il y a quelques jours, nous avons appris la mort d’Yvonne Legrand en France et de nombreux souvenirs sur son séjour au Chili, durant l’une des périodes les plus dramatiques de la tyrannie de Pinochet, ont alors resurgi. Yvonne avait été nommée consul de l’ambassade de France par le gouvernement de François Mitterrand en 1980, alors que Léon Bouvier était ambassadeur et Claire Duhamel attachée culturelle.
Dans la résistance, nous savions tous que nous avions une amie dans cette ambassade et que nous pouvions lui demander son aide et sa coopération pour sauver des vies en danger, ainsi que sa participation anonyme et au-delà de tout soupçon dans des actes subversifs. En effet, nombreuses ont été les actions menées par Yvonne Legrand pour cacher et faire sortir du pays, en usant de son immunité diplomatique et au péril de sa propre vie, plusieurs des opposants les plus recherchés qui courraient de graves dangers. Nous nous souvenons du jeune qu’elle a caché chez elle des mois durant et de celui qu’elle a accompagné jusqu’à la frontière argentine, ou encore des deux femmes qu’elle a emmenées jusque chez Claire Duhamel, qui les a cachées pendant plusieurs mois. Un jour, elle a même franchi un barrage avec sa voiture, équipée d’une plaque d’immatriculation diplomatique, pour permettre à deux activistes recherchés de s’échapper.
Tant d’audace fit rager les services secrets de la DINA, direction nationale du renseignement chilien, et Yvonne Legrand fut déclarée persona non grata et expulsée du pays. Moy de Toha et Mónica Echeverría la conduisirent alors à l’aéroport. En descendant de la voiture, elles furent prises à parti par des centaines de femmes pinochétistes qui jetèrent Yvonne au sol avant de la rouer de coups de pieds, tandis que l’on crachait sur Moy et Mónica, sans qu’aucun policier n’intervienne. À son arrivée en France, François Mitterrand voulut lui décerner la Légion d’Honneur, qu’elle refusa. Merci, chère et courageuse Yvonne Legrand, pour ton courage et ton humanité. Les opposants et militants contre Pinochet te seront à jamais reconnaissants.
Moy de TOHA et Mónica ECHEVERRÍA