Le 12 avril 2025 au soir, les dés électoraux jetés dans les urnes, ont roulé en faveur du sortant de droite, Daniel Noboa de l’Action Démocratique Nationale, vainqueur par KO de la candidate de gauche Luisa Gonzalez de Révolution Citoyenne. Onze points d’écart, et un million de voix les séparent. Daniel Noboa est arrivé en tête avec plus de 50 % des suffrages dans 19 des 24 provinces.
La participation a été exceptionnellement élevée. Près de 84 % des suffrages soit deux points de plus que lors des précédentes présidentielles. Le vote est obligatoire pour tous les citoyens âgés de 18 à 65 ans. Il est facultatif au-delà de 65 ans et entre 16 et 18 ans. Selon divers observateurs, sans qu’il y ait eu de sondages sur le sujet publiés pour l’instant, il semble que ces deux tranches de personnes se soit mobilisées de façon sensiblement plus élevée que d’habitude. Ils représenteraient une part importante des 200 000 votants supplémentaires du deuxième tour.
La mission de l’Organisation des État Américains dirigée par le chilien Heraldo Muñoz, ancien ministre des Affaires étrangères de Michelle Bachelet, a validé le résultat, considérant que les Équatoriens s’étaient exprimés dans le calme et avec clarté. Le constat a été identique pour la délégation européenne. Nacho Sanchez Amor, responsable de la délégation envoyée par le parlement européen, a été on ne peut plus clair, « nous n’avons observé » a-t-il déclaré, « aucun indice de fraude, comme signalé par certains acteur ».
Les présidents latino-américains ont quasiment tous, félicité Daniel Noboa, le vainqueur. Les premiers à avoir envoyé leurs vœux ont été les voisins, argentin, chilien et péruvien, ainsi que le Costa-Rica, le Guatemala, Panama et le Paraguay. Très vite Brésil, Colombie, Uruguay, ont suivi le mouvement. Manquent à l’appel Mexique, Nicaragua et Venezuela. Le Mexique et le Nicaragua, qui ont rompu leurs relations diplomatiques avec l’Équateur après la violation de la légation aztèque par la police équatorienne le 5 avril 2024, attendent, selon le propos de Claudia Sheinbaum, premier magistrat du Mexique, des éclaircissements sur le déroulement d’un scrutin qui a été contesté. Le Venezuela, compte-tenu des allégations de fraude a refusé de valider le résultat. Cuba s’était limité au lendemain du vote à signaler le vainqueur proclamé, et les critiques émises par la candidate de l’opposition.
La perdante, Luisa González a en effet contesté le résultat, dénonçant une fraude massive. Ici et là quelques votants ont été pris en train de photographier leur bulletin. Il peut s’agir en effet d’une tentative de fraude, un vote acheté devant être prouvé matériellement. Mais les doutes émis ne font pas l’unanimité. Les alliés de Luisa Gonzalez, du Parti Pachakutik et de la Confédération des nationalités indigènes, ont pris acte de la victoire de Daniel Noboa. Tout comme un certain nombre l’élus de Révolution citoyenne, en particulier les maires des deux villes les plus importantes, Pabel Muñoz à Quito, la capitale, et Aquiles Alvarez, à Guayaquil.
Rien ne va plus ?
La démocratie a-t-elle été affectée par l’exercice ? La perdante a-t-elle raison ou est-elle seulement une « mauvaise joueuse » ? Luisa González a demandé que les bulletins fassent l’objet d’un nouveau dépouillement. Pêle-mêle ont été officieusement contestés le déroulement de la campagne placé sous contrôle militaire, l’absence d’effet arithmétique de l’accord d’entre deux tours de Révolution citoyenne qui avait obtenu 44 % des suffrages exprimés et de Pachakutik, qui en avait recueilli plus de 5%. Sont avancés aussi le grand écart constaté entre ce que laissaient entrevoir les sondages, une victoire de l’un ou l’autre des candidats dans un mouchoir de poche, et le résultat, donnant un avantage de onze points à l’un d’entre eux.
Mais au lendemain du 12 avril, aucune plainte argumentée n’avait été présentée au Conseil national électoral, sur le déroulement du scrutin. L’importance de l’écart entre vainqueur et vaincu relativise-t-il la fraude éventuelle ? C’est en tous les cas ce qu’on manifestement pensé plusieurs grands élus ayant soutenu Luisa González. Luisa Gonzalez et son parti n’ont par ailleurs pas contesté le résultat des législatives qui se tenaient le même jour. Révolution citoyenne a obtenu un très bon résultat. Ses députés, 67 sur 151, sont les plus nombreux.
Le camp des droites a incontestablement marqué un point en Équateur, et par ricochet, dans le reste de l’Amérique latine. Ce qui explique les réticences de certains et l’enthousiasme d’autres. Les milieux d’affaire ont célébré le résultat obtenu par l’un des leurs. Daniel Noboa en effet est un « héritier », le fils d’un papa régnant sur le commerce de la banane, dont l’Équateur est premier producteur et premier exportateur du monde. Il est né à Miami plate-forme de négoce et de loisirs des Latino-américains bien dotés. Il a fait ses études aux États-Unis. Donald Trump l’avait invité le 20 janvier à sa prise de fonction. Daniel Noboa a été reçu une seconde fois quelques semaines plus tard par son ami nord-américain. Le télégramme de félicitations de Donald Trump a été particulièrement chaleureux. « Félicitations à Daniel Noboa, qui sera un grand leader, pour le merveilleux peuple équatorien », a-t-il écrit sur son compte Truht Social. Rien donc d’étonnant que le risque pays évalué par des officines proches de investisseurs internationaux, ait chuté saluant ainsi l’évènement.
La réponse aux oukases de Donald Trump à l’Amérique latine, – flux migratoires, droits de douane, souverainetés -, suppose la construction d’un collectif bien armé. La Déclaration adoptée le 9 avril dernier à Tegucigalpa (Honduras) par la neuvième Communauté des États Latino-américaine et caribéens, avait semble-t-il sonné le « la » d’une résistance coordonnée. Seuls trois États, Argentine, Paraguay et Nicaragua s’y étaient opposés. Trente pays avaient ainsi « rejeté l’imposition de mesures coercitives unilatérales ». Mais le 9 avril Panamá signait avec Washington un mémorandum autorisant la présence de personnels militaires étatsunien sur les rives du canal.
Le 12 avril Daniel Noboa un proche de Donald Trump, adepte de décisions unilatérales a été élu président de l’Équateur. Le 14 Nayib Bukele, chef du Salvador était reçu à la Maison Blanche pour confirmer sa disponibilité à incarcérer sur son territoire des sans papiers ou tout autre personne expulsée des États-Unis. Les résistants, par commodité classés tous à gauche, sont par ailleurs divisés. La reconnaissance dans le désordre de la victoire présidentielle en Équateur de Daniel Noboa ne fait que confirmer une tendance, constatée sur le dossier russo-ukrainien, ou l’incapacité à inventer des contre-mesures partagées à l’offensive commerciale et migratoire de Donald Trump. L’interprétation de la démocratie est différente et même opposée du Brésil au Nicaragua, de la Colombie et du Chili au Venezuela.
La difficulté à proposer de nouveaux horizons a été l’un des facteurs ayant empêché le sursaut de la candidate progressiste, Luisa González en Équateur. Perçue comme femme de paille de l’ex, Rafael Correa, elle n’a pas été en mesure d’apparaître comme une candidate à part entière, ayant les coudées franches pour proposer un programme 2025. Pour autant la peau de l’ours national et progressiste latino-américain ne peut pas être vendue avant d’avoir tué la bête. C’est à dire avant, puisque les règles de la démocratie sont toujours en vigueur, de connaître le résultat des consultations présidentielles et législatives, de Bolivie, du Chili, de Colombie et du brésil, inscrites sur le calendrier électoral des prochains mois.
Jean-Jacques KOURLIANDSKY