Juan et Marcos, deux petits arnaqueurs sympathiques, mais sans envergure de Buenos Aires, se rencontrent au moment où ils s’apprêtent à commettre un même cambriolage. Durant 24 heures, ils s’associent pour voler une planche de neuf timbres rarissimes appelés les Nueve Reinas. Ils espèrent ainsi les revendre à un collectionneur vénézuélien. Pour mener à bien leur affaire, ils font appel à Valeria, la séduisante sœur de Marcos.
Avant Les Neuf Reines, son premier long-métrage, l’Argentin Fabian Bielinsky a travaillé comme assistant réalisateur auprès de grands noms du cinéma argentin. Il cherche dans son film à montrer deux escrocs qui ne se servent pas d’armes pour arriver à leurs fins. « J’ai toujours eu un intérêt pour les escrocs de rues. L’idée de délinquants qui, au lieu d’utiliser des armes, se servent de leur ingéniosité et de mécanismes psychologiques subtils pour prendre le dessus sur leurs victimes – c’est un canevas extraordinaire pour raconter une histoire », relate Fabian Bielinsky.
Fabián Bielinsky a commencé à faire des films en 1972, alors qu’il n’a que treize ans. Il grandi sous la dictature militaire qui a pris le pouvoir en 1976 – période peu propice au cinéma argentin – mais n’a jamais douté de son but dans la vie : le cinéma. Au lycée à Buenos Aires il rejoint le groupe cinéma et réalise son premier court-métrage Continuidad de los Parques inspiré par une nouvelle de Julio Cortázar. Un autre court-métrage, La Espera inspiré par un récit de Jorge Luis Borges, lui ouvre les portes de l’Institut Cinématographique Nationale (Centro Experimental y de Realización Cinematográfica del I.N.C.) Ce film est récompensé du premier prix du festival international du film de Huesca en Espagne.
Entré dans l’industrie cinématographique au moment de la chute de la dictature militaire et de la levée de la censure en 1983, Bielinsky travaille comme assistant réalisateur pour plusieurs grands noms du cinéma argentin, dont Miguel Pérez, Carlos Sorín et Eliseo Subiela. Il enseigne également la production cinématographique et l’analyse des films à l’Institut Cinématographique Nationale. En 1996, Fabián Bielinsky remporte un concours organisé par la société de production Patagonik Film Group, Kodak, Cinecolor, JZ y Associados et FX Sound. Sélectionné parmi plus de 350 scénarios, Les neuf reines obtient le premier prix permettant à Bielinsky de réaliser son premier long-métrage. Le film est sélectionné dans de nombreux festivals nationaux et internationaux, il rencontre un succès public et critique. En France il remporte le Grand Prix au Festival du film policier de Cognac (2002). Steven Soderbergh réalise un remake du film en 2004, Criminal, mettant en scène John C. Reilly, Maggie Gyllenhaal et Diego Luna.
Bielinsky réalise son second long-métrage en 2005, El Aura – toujours avec Ricardo Darín dans le rôle principal. Alors qu’il devait présenter son film un mois plus tard au Festival International du Film d’Edinburgh, il meurt d’une crise cardiaque le 28 juin 2006 à l’âge de 47 ans. L’Argentine du cinéma, et le cinéma tout court, sont sous le choc. Son œuvre lapidaire lui ressemblait, elle était hypertendue. Avec des protagonistes malades des nerfs, à la limite du supportable. Neuf Reines le premier long métrage qu’il dirigea après avoir été assistant quatorze ans, restera l’arnaque la mieux ourdie, la plus drôle et sophistiquée. Plus que Usual Suspects de Bryan Singer, autant que les meilleurs David Mamet (The Spanish Prisoner, House of Games). Son villain, Marcos, incarné avec beaucoup de force par l’extraordinaire Ricardo Darín, tente de vivre de ses escroqueries et va in fine se retrouver grugé par ses « amis », notamment Juan, joué par l’impeccable Gaston Pauls.
Arythmie. A posteriori, on devine que ce qui plaisait à Bielinsky, dans ce film, était moins le fait de nous balader sur toutes sortes de fausses pistes, ou de nous offrir une métaphore sur l’Argentine d’avant le Corralito (pays saturé d’arnaqueurs, aigrefins, écornifleurs), que de reprendre un genre au code très établi pour le subvertir. De jouer avec les nerfs du spectateur, aussi, à coups de suspense et de virages à 180 °. Ou de travailler sur les changements de ton, de rythme, du faux plat aux accélérations, de donner à son film une arythmie, jusqu’à la tachycardie. Neuf Reines a connu un succès mondial impressionnant, Hollywood en a même acheté les droits pour en tirer un remake confus et cheap.
D’après distributeur
Nueves Reinas de Fabián Bielinsky avec Ricardo Darín, Gaston Pauls et Leticia Brédice – 1 h 54