« Cercle de lecteurs » le dernier opus de l’écrivain argentin Eduardo Berti aux éditions Le Realgar

Eduardo Berti est tout à fait capable d’être sérieux (jamais ennuyeux), il l’a prouvé à de multiples occasions, comme dans ses œuvres récentes, Un père étranger (2020) et Un fils étranger (2021). Il peut aussi, et ce n’est pas rare, avoir l’esprit ludique, n’oublions pas qu’il est un des membres de l’Oulipo, et on trouve souvent des empreintes de Raymond Queneau et de Georges Perec dans ses écrits.

C’est bien cet esprit-là qui s’impose dans ce Cercle de lecteurs. Des personnages nommés (des noms qui, pour la plupart, pour tous peut-être font penser à Perec (tiens, tiens), à Borges, à Proust… exposent leur rapport à la lecture. Ainsi, un M. Guermantes (pas de Guermantes, ne confondons pas), a pour habitude d’abandonner un roman en cours de lecture, qu’il l’adore ou qu’il l’ennuie. C’est merveilleux, il termine lui-même l’intrigue (mais quand il achève sa propre intrigue ce n’est quand même pas mal).

Nous, misérables lecteurs sans imagination, banals, routiniers mais curieux avons là une source presque inépuisable pour appliquer les exemples donnés dans nos lectures personnelles et multiplier les possibilités de (bien) lire. On trouvera aussi des chasseurs-lecteurs dont vous serez peut-être les victimes innocentes ; un lecteur qui, en rajoutant des phases au roman qu’il lit, compose un nouveau roman, une jeune (ou vieille) fille qui ne supporte pas les traits de stylo bille qui défigurent les livres empruntés dans des bibliothèques publiques.

Vingt textes courts, vingt échappées vers un vert paradis littéraire et très drôle. On est entraînés par les inventions absurdes, farfelues, d’un esprit lui-même surréaliste, fabuleusement (c’est le mot !) doué pour nous faire rêver, inventer nous-mêmes d’autres rêves, c’est-à-dire créer nous aussi et devenir, si on est prétentieux, l’égal d’Eduardo Berti, rien que ça !