Dans son biopic consacré au “père de la bombe atomique” Robert Oppenheimer, Christopher Nolan prenait le parti de laisser les personnages féminins à l’arrière-plan. Filles atomiques, de la poétesse et traductrice Elisa Díaz Castelo, paru au Mexique deux ans avant la sortie du film, choisit au contraire de mettre en avant ces femmes de l’ombre.
16 juillet 1945, à 5 h 29, un champignon atomique s’élève au-dessus d’un désert du Nouveau-Mexique et transforme le sable en verre. Trinity, le premier essai d’arme nucléaire, marque l’aboutissement du projet Manhattan, un travail de recherche à la fois salvateur et mortifère. Empruntant aux codes du théâtre, Elisa Díaz Castelo rappelle que cette histoire fut aussi féminine en donnant voix à Kitty Oppenheimer, à Jean Tatlock, à la scientifique Leona Woods ou aux jeunes ouvrières d’Oak Ridge qui furent recrutées sans savoir à quoi elles allaient œuvrer.
Elisa Díaz Castelo, née en 1986 au Mexique, est une poétesse et traductrice à la reconnaissance internationale. Ses recueils ont été récompensés par de très nombreux prix, au Mexique et à l’étranger, comme le Poetry International Prize en 2016. Elle a notamment traduit Ciel de nuit blessé par balles d’Ocean Vuong en espagnol pour lequel elle a obtenu le prix de traduction littéraire Bellas Artes.
Avec la lucidité́ de celles qu’on laisse toujours aux portes de l’Histoire, cette polyphonie féminine met en lumière l’orgueil et l’aveuglement d’hommes demiurges lancés dans une course contre la montre qui ne peut mener qu’à la désolation. Filles atomiques dit l’innocence volée et l’impuissance de femmes obligées d’élever leurs enfants et de sacrifier leur jeunesse sur les lieux du drame à venir, dans une langue saisissante qui épouse les élans contraires de ces existences coincées entre vie et mort, entre création et destruction.
D’après l’éditeur
Filles atomiques par Elisa Díaz Castelo, traduit de l’espagnol (Mexique) par Lise Belperron, aux éd. Globe, 208 p., 21 euros.