Équateur : le bras de fer entre un président et sa vice-présidente continue

Élus le 15 octobre 2023 suite à l’élection présidentielle anticipée due à la destitution de Guillermo Lasso, l’alliance de Daniel Noboa et Verónica Abad s’est progressivement effritée jusqu’à ce que le président commence à miner la position de sa vice-présidente. Dernier acte d’une longue liste de manœuvres pour limiter l’influence de la vice-présidente, tout en l’intimidant au moyen de la justice équatorienne. Les vexations commencèrent le lendemain de leur victoire électorale, à la suite de laquelle Abad fut nommée ambassadrice équatorienne en Israël ; une nomination pour l’éloigner du pouvoir. Puis, suivirent des actions judiciaires contre divers membres de sa famille. Jusqu’à ce qu’elle dépose une plainte pour « violence politique », ce qui lui valut en novembre dernier d’être mutée ambassadrice, cette fois en Turquie.

Après avoir, là encore, fait remarquer la volonté politique hostile derrière ce changement, le rapprochant d’un « bannissement ». Nonobstant, elle se rendit à l’ambassade d’Équateur en Turquie, avec cinq jours de retard… Un retard qui fut dénoncé par le ministère du Travail comme : un « abandon de poste injustifié pendant trois jours ouvrés ou plus. » L’exécutif sanctionna alors Abad, d’une éviction de cinq mois, au profit de l’actuelle vice-présidente par intérim, la ministre de la Planification Sariha Moya

Cinq mois, c’est-à-dire le temps que Daniel Noboa soit potentiellement réélu en février 2025… et qu’il ait dès lors la possibilité de changer la composition de son gouvernement. Cependant, l’affaire n’est pas encore faite à son profit, dans ce bras de fer entre un président et sa vice-présidente. En effet, la justice équatorienne a récemment donné raison à Abad quant à l’illégalité de son éviction, ce qui n’a pas empêché Noboa de reconduire sa vice-présidente par intérim. La constitution équatorienne se trouve au coeur de ce conflit : elle prévoit que le président, le temps de mener sa campagne de réélection, doit se mettre en congé et laisser sa place au vice-président. Norme que Noboa refuse d’appliquer, de même que reconnaître Abad comme vice-présidente… tant qu’elle ne se rend pas à son poste d’ambassadrice à Ankara. Dans le même temps, l’intéressée a déclaré sa volonté d’occuper la présidence durant la campagne présidentielle, comme le veut la constitution. Toutefois, une récente tentative de faire appel aux forces armées équatoriennes pour forcer la main du président a été faite, une demande de soutien qui a été rejetée par les militaires.

Ainsi, le bras de fer légal, politique et constitutionnel continue entre le président et la vice-présidente équatorienne, et seule l’issue des élections le 9 février semble pouvoir y offrir une fin définitive.