Le ministère chilien des Affaires étrangères vient d’envoyer une note de protestation à l’encontre des déclarations de Luis Caputo. Pour la ministre de l’Intérieur, Carolina Tohá, « l’Argentine s’inspire du style du gouvernement vénézuélien. »
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Le ministre argentin de l’Économie, Luis Caputo, a déclenché une âpre dispute diplomatique avec le Chili. Lors d’une interview sur une radio locale, il déclarait mardi qu’un pays « qui dans les années 1980 et jusqu’en 2010 » s’était distingué par sa croissance économique « est aujourd’hui gouverné par un communiste sur le point de le faire sombrer. » Propos auquel le gouvernement de Gabriel Boric répondit ce mercredi par une note diplomatique de protestation contre les « déclarations inappropriées et inexactes » de Caputo. De même, la ministre de l’Intérieur chilienne, Carolina Tohá, a accusé le ministre de Javier Milei de s’inspirer « du style du gouvernement vénézuélien » qui a l’habitude d’attaquer durement les gouvernements avec lesquels il n’est pas d’accord.
Luis Caputo était autrefois un modéré. Lorsqu’il était ministre de l’Économie, sous l’administration de Mauricio Macri, il négocia avec le Fonds monétaire international (FMI) un sauvetage financier de 44 milliards de dollars, le plus important jamais accordé à un partenaire multilatéral. Une semaine après l’approbation du crédit, Caputo quitta son ministère et devint président de la Banque centrale. Poste duquel il démissionna en septembre 2018 dans un contexte d’inflation croissante. Alors il fit profil bas, jusqu’à ce que Javier Milei lui confie la direction du ministère de l’Économie. Depuis il adhère aux idées du président avec un fanatisme qu’il affiche habituellement sur ses réseaux sociaux. C’est dans ce contexte qu’eu lieu l’attaque de Boric, avec qui Milei entretient une relation tendue.
Pour le ministre argentin, l’extrême droite doit concentrer ses efforts sur « la bataille culturelle, » si elle veut que ses politiques économiques perdurent dans le temps. « Le président (Milei) fait un travail spectaculaire dans ce domaine et beaucoup de gens ne le comprennent pas parce qu’ils pensent qu’il se bat avec les écono-chauvins ou avec les journalistes. Il fait tout pour mener à bien cette bataille culturelle, qui consiste à faire comprendre aux gens qu’ils doivent ouvrir les yeux, qu’ils ne doivent plus se laisser abuser, » a-t-il déclaré lors de l’entretien accordé à Radio Mitre, avant de citer l’exemple du Chili. « C’est le pays d’Amérique latine qui sortit le plus de gens de la pauvreté entre les années 1980 et 2010, tout en négligeant la bataille culturelle, celle qu’Axel Kaiser mène aujourd’hui avec force, » a-t-il déclaré, en faisant référence au diffuseur des idées de l’extrême droite chilienne et directeur de la Fondation pour le progrès. « Il l’a négligée pendant longtemps et aujourd’hui le pays est pratiquement gouvernée par un communiste sur le point de le faire sombrer », a conclu M. Caputo. La réponse chilienne est passée par la voie diplomatique, avec une note de réclamation remise à l’ambassadeur argentin à Santiago, Jorge Faurie, et politique, par l’intermédiaire de la ministre Carolina Tohá.
Milei et Boric sont idéologiquement diamétralement opposés, et ils ne s’en cachent pas. Le dernier affrontement remonte à un mois, lorsque Milei a décidé de retirer son ministre des Affaires étrangères, Gerardo Werthein, d’un événement organisé devant le pape François au Vatican pour commémorer le traité qui, il y a 40 ans, empêcha une guerre entre dictatures pour le contrôle du canal de Beagle, en Terre de Feu. En avril dernier, la ministre de la Sécurité argentine, Patricia Bullrich, a dû présenter ses excuses à La Moneda après avoir affirmé que « des cellules actives du Hezbollah, la milice chiite libanaise, opéraient dans le nord du Chili ». En juin, M. Boric a personnellement appelé M. Milei pour exiger le retrait des panneaux solaires que l’armée argentine avait placés du côté chilien de la frontière, à l’extrême sud du pays. Milei et Boric ne se sont rencontrés que trois fois depuis l’arrivée du politicien d’extrême droite à la Casa Rosada en décembre de l’année dernière. La première fois, c’était le jour de son investiture à Buenos Aires. Ils se sont ensuite rencontrés lors du sommet pour la paix en Ukraine, qui s’est tenu en juin en Suisse, et lors de la réunion des présidents du G-20 qui s’est tenue en novembre à Rio de Janeiro, au Brésil.
D’après le journal El País *
Traduits de l’espagnol par nos soins
*Ana Maria Sanhueza est une journaliste à El País au Chili, spécialisée dans la justice et les droits de l’homme. Elle a travaillé dans les principaux médias locaux, notamment le magazine Qué Pasa, La Tercera et The Clinic, dont elle a été rédactrice en chef. Elle est coauteur du livre Spiniak y los demonios de la Plaza de Armas et Los archivos del cardenal . Federico Ivas Molina est correspondant d’El País en Argentine depuis 2016. Il a été rédacteur en chef de l’édition Amérique. Il est titulaire d’un diplôme en sciences de la communication de l’Université de Buenos Aires et d’un master en journalisme de l’Université autonome de Barcelone.