L’économiste espagnol s’est rendu à Buenos Aires pour participer à la réunion annuelle de la Conservative Political Action Conference (CPAC). Lacalle a accordé une interview exclusive au journaliste Sebastian Catalano, alors que l’évaluation de l’ère Milei selon l’indice de confiance des gouvernements (ICP) révèle une hausse pour un quatrième mois consécutif.
« Javier Milei est l’une des grandes références des idées de liberté dans le monde. Nous pourrions le définir comme le président de l’espoir pour l’Argentine. » Daniel Lacalle considère Milei comme un véritable phénomène mondial : « Milei est un phénomène mondial, je voyage partout dans le monde et on me pose d’abord des questions sur Milei et puis sur d’autres choses. » Chroniqueur et auteur de livres traduits en plusieurs langues, tels que Voyage vers la liberté économique, et La mère de toutes les batailles, ce professeur et gestionnaire de fonds d’investissement qui vit à Londres est convaincu que Milei n’entre pas dans la catégorie des populistes de droite.
« Le populisme, c’est quand un politicien essaie de s’approprier le concept de peuple et, en plus, essaie de se présenter comme une personne qui offre des choses magiques, faciles et rapides. Milei est exactement le contraire. Il est l’un des rares, ou le seul président d’un pays de l’OCDE*, à avoir emporté les élections en disant que les choses étaient très compliqués et qu’elle allaient l’être encore plus. Il est le seul président qui a présenté, sans mentir, en disant la vérité au peuple. Ce n’est en aucun cas un populiste. Milei a une idéologie libertaire, qui s’oppose à bien des choses à ce qui a été historiquement la droite étatiste, très orientée vers un grand Etat », a déclaré Lacalle en tant que président de l’Institut hispanique Mises et membre du Conseil académique de la Fondation internationale pour la liberté.
Quel bilan tirez-vous du premier exercice économique de Milei ?
Milei a reçu le pire héritage que j’ai pu voir dans les gouvernement des 150 pays que nous avons analysés. Il a reçu un pays avec une inflation de 25% par mois et une banque centrale avec des réserves négatives de plus de 13 000 millions de dollars. C’est quelque chose de pratiquement inconnu dans aucun autre pays. Une économie aussi dévastée ; un pays avec onze taux de change ça n’existe pas…
Qui sait s’il n’y en avait pas plus à un certain moment…
Ces taux sont la preuve d’une destruction monétaire, économique et fiscale. D’un héritage absolument dévastateur. En un an, il a atteint un excédent budgétaire dès le début, ce que l’on disait impossible. De plus, une réduction de l’inflation de 25% par mois à moins de 3% mensuelle. La banque centrale est passée d’une réserve négative monstrueuse, à des réserves brutes positives. La première année est le début de la solution, il s’agit de mettre fin à la gangrène de l’économie argentine afin de la relancer. Le consensus économique estime que l’année prochaine l’Argentine connaîtra une croissance de 7%, soit la plus forte croissance économique dans la région.
Pourquoi a-t-il réussi à faire tout cela en si peu de temps ?
Il a pris des mesures chirurgicales immédiates, sans tomber dans l’erreur du gradualisme. En mettant l’accent sans équivoque sur la résolution du problème de déficit. Un problème qui était devenu un problème monétaire, puis inflationniste, et avec l’inflation, l’appauvrissement des Argentins.
Êtes-vous préoccupé par les effets que ce choc pourrait avoir en termes de pauvreté, d’emploi et de destruction des PME ?
Les PME en Argentine ont été détruites par un système fiscal totalement confiscatoire. C’est l’héritage du kirchnérisme. De nombreuses PME paient plus de 100% de leurs bénéfices en impôts. Je ne suis pas inquiet pour les politiques de Milei sachant qu’elles sont la solution à des décennies de problèmes. C’est drôle : les politiciens de gauche semblent toujours ne pas avoir le temps. Et quand il s’agit de mesures de choc, personne ne se plaint de la gauche. Dépenser, augmenter le déficit, augmenter la dette, faire couler la monnaie. La gauche a toute la capacité de prendre des mesures décisives. Et, curieusement, lorsqu’un politicien libéral ou libertarien arrive, il s’avère que ce sont des mesures de choc et qu’elles peuvent avoir des effets négatifs. Lorsqu’un pays riche comme l’Argentine a été détruit par des politiques malavisées pendant des années, nous devrions lui donner un peu plus de douze mois d’analyse. Il n’est pas facile de réorienter l’économie avec ce trou brutal de la banque centrale. Alors qu’il est nécessaire d’éviter l’appauvrissement généralisé que génère l’inflation. Ce pays, s’il avait poursuivi la politique menée par Alberto Fernandez et Sergio Massa, n’aurait pas aujourd’hui une inflation de moins de 3% par mois, mais de 50% par mois. C’était la tendance. L’Argentine se trouvait dans une spirale qui l’a menée au niveau du Venezuela.
Comment pensez-vous que l’économie locale va se développer après cette première année ?
La première phase de Milei a été d’ouvrir l’économie et de réduire la gangrène du déficit public qui faisait sombrer la monnaie et la pouvoir d’achat des Argentins. C’est la première phase : arrêter l’hémorragie, comme dans toute opération en cas d’urgence médicale. La deuxième est la reprise. Au cours de cette phase, il faudrait éliminer le resserrement et tous les obstacles à l’exportation.
Combien de temps ces travaux de reconstruction peuvent-ils durer ?
Si l’on pense qu’atteindre un excédent budgétaire, réduire l’inflation, assainir la banque centrale – ce que l’on pensait impossible – a été fait en douze mois, tout peut être fait beaucoup plus vite qu’il n’y paraît. Tant que cela continue avec des mesures chirurgicales, énergiques et sérieuses.
Dans ce contexte, quelles menaces voyez-vous pour l’économie argentine ?
L’Argentine se remet ou coule à cause de la monnaie. La destruction de la monnaie n’est pas une coïncidence. Les gouvernements de gauche procèdent à la destruction de monnaie parce que c’est le moyen le plus simple de nationaliser secrètement l’économie. C’est une façon de détruire le secteur privé et de tout nationaliser, en payant avec une monnaie qui vaut de moins en moins. C’est le secteur public qui engloutit le secteur privé. En Argentine, personne n’épargne ou n’effectue de transaction de grande ou moyenne taille en pesos. Il se passe déjà quelque chose d’autre qu’on disait impossible : les dépôts en dollars montent en flèche. Cela montre que les Argentins commencent à faire confiance à leur propre système financier lorsqu’ils prennent les dollars qu’ils ont gardés sous le matelas et les apporter à la banque.
Lors d’une récente conférence, à Mendoza, vous avez parlé des « opportunités et des risques pour l’Amérique latine. » Décennie perdue ou révolution libérale ?
L’Amérique latine est déjà perdue depuis une décennie. Nous nous sommes habitués à quelque chose d’aussi incroyable que de lire que le Brésil stagne, tout comme le Mexique et le Chili, que la Colombie ne va pratiquement pas croître du tout. La région est détachée de la croissance non seulement mondiale, mais aussi asiatique. Cela vient de l’insécurité juridique, de l’insécurité monétaire et de l’insécurité fiscale. Il y a une opportunité que le président Milei dirige depuis l’Argentine, qu’une véritable révolution libérale soit en train de se réaliser. Si nous continuons du côté de l’insécurité juridique, comme c’est le cas au Mexique avec la réforme du système judiciaire de Claudia Sheinbaum, et si nous continuons du côté de l’insécurité des investisseurs, comme c’est le cas au Chili, les capitaux cesseront d’arriver et les investisseurs locaux n’investiront pas non plus. C’est dommage parce que le potentiel est gigantesque, mais je suis très optimiste sur le fait qu’une révolution libérale aura vraiment lieu en Amérique latine.
Source Infobae
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* OCDE, l’Organisation internationale de Coopération et de Développement Economiques, qui a remplacé l’Organisation européenne de coopération économique (OECE), est chargée de « promouvoir les bonnes pratiques en matière de bien-être économique et social. »