Au Nicaragua, le président Ortega consolide son pouvoir

Daniel Ortega, 79 ans, n’est pas prêt à céder la main. Il a présenté mercredi au parlement une réforme constitutionnelle qui a toutes les chances d’être approuvée, le Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN, gauche), parti du président, disposant d’une large majorité à l’Assemblée nationale. Des mesures comme le rallongement du mandat présidentiel de cinq à six ans et l’élévation de son épouse Rosario Murillo au rang de « coprésidente » sont notamment prévues dans ce texte, auquel des médias comme l’AFP ont eu accès.

Le projet prévoit que les deux dirigeants coordonneront « les organes législatif, judiciaire, électoral » ou encore ceux gérant régions et municipalités, que la Constitution actuellement en vigueur garantit comme indépendants. Selon la presse pro-gouvernementale, les travaux visant à adopter rapidement ce texte avancent, tandis que les détracteurs y voient une volonté d’imposer des changements sans débat approfondi. Parmi les autres mesures proposées figure une disposition permettant la déchéance de nationalité pour tous « les traîtres à la patrie », une mesure qui illustre un durcissement croissant du régime.

À la suite des manifestations de 2018, le Nicaragua a vu une intensification des mesures de contrôle. Cette réforme constitutionnelle marque une étape importante dans la trajectoire politique du pays depuis ces événements, qui ont représenté un défi significatif pour le gouvernement Ortega. Depuis ces manifestations, qui auraient fait plus de 300 morts selon l’ONU, 278 journalistes ont dû s’exiler, exerçant désormais leur profession depuis des pays comme le Costa Rica ou les États-Unis. Les journalistes ne sont pas les seuls à avoir subi cette répression : de nombreuses ONG ont été interdites, et l’Église catholique a vu bon nombre de ses membres expulsés, tout comme quelque 450 politiciens, intellectuels ou militants des droits humains.

Le gouvernement Ortega considère ces manifestations comme une tentative de coup d’État soutenue par Washington. Daniel Ortega et Rosario Murillo accusent principalement l’Église, les journalistes et les ONG d’avoir soutenu ces protestations pour justifier cette répression. Le projet de réforme propose également un encadrement renforcé des journalistes. « L’État veillera à ce que les médias ne soient pas soumis à des intérêts étrangers et ne diffusent pas de fausses nouvelles », précise le texte.

Les réactions ne se sont pas fait attendre à l’extérieur du Nicaragua. Luis Almagro, secrétaire général de l’Organisation des États américains (OEA), a dénoncé dans un communiqué « une forme aberrante d’institutionnalisation de la dictature conjugale » et une « agression ultime contre l’État de droit démocratique ». Les organisations d’exilés nicaraguayens partagent cette analyse et redoutent un renforcement du pouvoir d’Ortega et Murillo.

Les proches du président, en revanche, soutiennent que ce projet réaffirme le caractère révolutionnaire de l’État nicaraguayen, affirmant le drapeau rouge et noir du FSLN parmi ses symboles nationaux. Daniel Ortega, ancien guérillero, n’a apparemment pas fini avec le pouvoir, ce qui n’est pas révolutionnaire pour quelqu’un qui dirige le pays depuis désormais 17 ans.